Steven Price nous parle de l’Année internationale de la forêt

Steven Price, Directeur principal, Conservation & Science, en entrevue au Magazine Planète vivante.
Planète vivante – Quelles sont les réalisations du Fonds mondial pour la nature au Canada au chapitre de la protection des forêts?
Steven Price – Le fonds mondial pour la nature a fait essentiellement deux choses pour la conservation de la forêt au Canada. D’abord, notre campagne Espaces en danger a eu un effet boule de neige sur les aires de protection, dont la superficie a doublé en une décennie pour atteindre quelque 80 millions d’hectares, dont la moitié en forêts. Dans un pays où la forêt occupe 50 pour cent du territoire, cela représente une bonne superficie d’habitats forestiers sous protection– sans parler des caribous et des oiseaux migrateurs qui les fréquentent et de la flore de milieux humides qui y pousse – et des sources d’eau potable pour les communautés locales et les Premières Nations.
Ensuite, nous avons contribué à la création et à l’expansion au Canada du Forest Stewardship Council (FSC), grâce auquel en 2011 près du tiers de la forêt aménagée au Canada était certifiée FSC – une accréditation fondée sur de très rigoureux critères environnementaux, sociaux et économiques – ce qui représente une zone de 43 millions d’hectares, soit grosso modo la superficie de la Californie. Les produits certifiés FSC donnent au consommateur la possibilité d’acheter des produits de la forêt – bois, papier et autres produits dérivés de la forêt – plus respectueux de l’environnement, ce qui est porteur de nouvelles pratiques durables.
Planète vivante – Vous avez joué un rôle de premier plan dans la création du système de certification FSC, il y a 18 ans. Quel bilan faites-vous de ce système aujourd’hui?
Steven Price – Je suis très fier de dire que le FSC a atteint son objectif premier, qui était de rassembler les environnementalistes, représentants de l’industrie forestière, la main-d’œuvre et les Premières Nations pour fixer ensemble de meilleures normes de gestion de la forêt, et récompenser les entreprises menant leurs activités de manière à en minimiser les impacts. Des forêts mieux gérées, ce sont autant d’habitats de plus pour la faune, ce sont davantage d’aires protégées, de meilleurs tampons le long des cours d’eau, ainsi de suite. Mais le FSC a eu un autre effet qui, celui-là, n’était pas prévu : il a – vous me passerez l’expression – défriché le terrain pour que d’autres organismes de certification voient le jour, tel le Marine Stewardship Council (MSC) qui promeut une gestion plus durable des produits de la mer.
Planète vivante – Qu’est-ce qui a convaincu d’adopter la voie de la certification?
Steven Price – Pendant les années 90, les boycotts de produits de la forêt ont sérieusement menacé l’industrie forestière. Certaines compagnies ayant une plus grande ouverture d’esprit en matière de gestion de la forêt cherchaient des moyens d’exprimer leur engagement vers une réduction de l’impact environnemental de leurs activités. Cela a ouvert tout grand la porte au Fonds mondial pour la nature pour collaborer avec les entreprises disposées à gérer leurs forêts de manière plus sensée et à se soumettre à des vérifications externes de leurs progrès à ce chapitre. La certification FSC leur permettait ensuite de commercialiser leurs produits en en soulignant – grâce au logo FSC – l’origine et le mode de production.
Planète vivante –  Croyez-vous qu’il soit possible de rendre compatibles la demande mondiale de bois, de pulpe et de papier et la protection des forêts et de leur faune?
Steven Price – Bien sûr il serait impossible de combler une demande illimitée tout en maintenant la faune et en continuant de bénéficier des services écologiques que nous rendent les forêts, par exemple l’épuration de l’eau. Il appartient à chacun d’entre nous de réduire sa consommation de papier et de bois. Parallèlement, les scientifiques peuvent aider à fixer les limites de coupe auxquelles nous devront nous plier pour arriver à bien gérer la production de produits forestiers renouvelables.
Planète vivante –  Que devrons-nous faire au cours des 50 prochaines années pour assurer la protection des forêts de la planète?
Steven Price – Selon moi, il y a six choses à faire.
a)       Stopper le réchauffement climatique – une grande menace à la biodiversité de la planète, y compris des forêts – par une réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant des combustibles fossiles à zéro émission.
b)      Nous adapter au degré de réchauffement climatique que l’on connaît déjà, en encourageant la recherche scientifique à s’attaquer aux défis à surmonter et aux possibilités à exploiter.
c)       Compléter un solide réseau mondial d’aires protégées pour tous les types de forêts – tropicale, tempérée et boréale – afin que toute la biodiversité forestière soit sous protection.
d)      Favoriser une exploitation plus durable dans les aires non protégées, au moyen d’outils tels que la certification FSC.
e)      Assurer le contrôle du commerce illégal d’espèces des forêts, et veiller à ce que les opérations forestières légales soient menées dans une perspective durable.
f)        Analyser et apprécier l’énorme – quoique invisible – valeur économique des services écologiques et des avantages qui découlent des forêts.
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