Collision 101

De Montréal à Vancouver, de jeunes oiseaux s’apprêtent à quitter leurs forêts, marais ou rivages pour aller passer l’hiver sous des cieux plus cléments. Les insectes se font plus rares et les jours raccourcissent, ce qui donne le signal du départ à de nombreuses espèces. Or les routes migratoires vers le sud des États-Unis, le Mexique, les Caraïbes ou l’Amérique centrale ou du Sud suivent souvent les cours d’eau, là même où l’homme a construit ses gratte-ciel et autres immeubles de verre. Nous trouvons belles ces fenêtres étincelantes le jour et illuminées de nuit, mais elles sont invisibles aux oiseaux… invisibles, et donc mortelles.

Le viréo de Philadelphiea est l’une des 100 espèces d’oiseaux connues pour entrer en collision avec des fenêtres. (c) Tim Stewart / WWF-Canada
En 1996, le WWF-Canada et le programme FLAP (Fatal Light Awareness Program) ont publié un document intitulé Collision Course: The Hazards of Lighted Structures and Windows to Migrating Birds.  Il s’agissait là de la première recherche menée par un ornithologue, à travers le Canada, sur les dangers de collision des oiseaux. Selon le rapport publié, quelque 100 millions d’oiseaux se tuent chaque année dans les fenêtres et bâtiments de l’Amérique du Nord; ce nombre est du même ordre que les estimations de mortalités causées par les pesticides et par les chats (domestiques ou ensauvagés).
À Toronto, où le FLAP documente les collisions d’oiseaux et s’occupe d’oiseaux blessés depuis 20 ans, l’on a dénombré 100 espèces d’oiseaux. Les bruants et les parulines représentent 75 % de ces espèces, avec le bruant à gorge blanche et la paruline couronnée en tête de liste. Certaines nuits où le brouillard est particulièrement dense, où les oiseaux volent en plus basse altitude et sont déconcertés dans leur parcours migratoire, l’on peut en trouver des centaines dans un seul quartier d’immeubles commerciaux.
Pourtant les solutions sont simples, en principe tout au moins. Il suffit d’éteindre les lumières qui ne sont pas nécessaires le soir, et de rendre les fenêtres visibles aux oiseaux le jour. En pratique, cependant, il semble qu’elles soient difficiles à réaliser. Néanmoins, l’on a observé certains progrès et il y a de l’espoir.
Vers la fin des années 90, le WWF et FLAP ont inauguré le programme Bird-Friendly Building Program dans le cadre duquel les propriétaires ou gestionnaires de 100 immeubles commerciaux de Toronto se sont engagés à sensibiliser les gens à la question des collisions d’oiseaux et à réduire l’éclairage de nuit dans les immeubles et leurs alentours. Le FLAP poursuit son travail en ce sens encore aujourd’hui au moyen de son superbe site Web.  Au fur et à mesure qu’augmentait la participation à son programme, le FLAP a rallié à son action d’autres groupes de conservation d’oiseaux, la Ville de Toronto a coordonné la campagne Lights Out Toronto!, qui a mené à l’adoption en 2007de lignes directrices pour aider les oiseaux (Bird-friendly Development Guidelines) à l’intention de la municipalité.
Mais pas besoin d’être à Toronto, ni dans un immeuble du centre-ville pour agir. Nous pouvons tous, à la maison, au bureau, à l’école ou au chalet, faire quelque chose. Il suffit d’avoir des fenêtres!
1. Il est facile d’éteindre, de réduire la luminosité ou d’orienter la lumière vers le sol ou dos aux fenêtres – en plus, nous économiserons l’énergie! Rappelons-nous que le reflet de la lumière directe n’aide pas à voir mieux et qu’elle constitue un risque pour les oiseaux.
2. La réflexion se produit sur la face extérieure de la vitre, mais cela aide de fermer les rideaux à l’intérieur. Pour ma part, je laisse mes stores fermés de moitié ou aux trois quarts,  ce qui fragmente la réflexion à l’extérieur et réduit les risques de collisions.
3. Pourquoi ne pas demander au gérant et à la société de gestion de votre immeuble d’adopter des habitudes d’éclairage qui ne seront pas nuisibles aux oiseaux? Voilà une action simple et concrète qui contribuera en outre à économiser de l’argent, à réduire la consommation d’énergie, à ralentir le réchauffement climatique… et à diminuer le nombre de collisions d’oiseaux. Quel locataire, propriétaire, employé et gestionnaire pourrait s’opposer à cela? Et puis une fois l’habitude bien implantée pendant la saison migratoire, on n’aura plus qu’à la garder tout au long de l’année!
4. Allez faire un tour sur le site de FLAP – Fatal Light Awareness Program – à l’adresse https://www.flap.org/; vous y trouverez une mine d’information, de trucs et de techniques.
Profitez de ce qui reste de la belle saison pour assister à la migration d’automne. Ouvrez bien les yeux et vous verrez bruants, parulines, hirondelles et autres oiseaux migrateurs passer près de chez vous, dans un parc, près d’un cours d’eau, et partout en région rurale. Et s’il-vous-plaît, faites votre part pour faciliter leur long voyage en les protégeant des fenêtres de votre maison et de votre lieu de travail.