Une nouvelle voix s’élève contre le projet d’oléoduc Northern Gateway

Une des choses qui me font aimer mon travail est l’occasion qui m’est donnée de côtoyer autant de Canadiens de tous les milieux qui se préoccupent de la nature. Et ce qui m’inspire le plus, ce sont tous ces jeunes, dont certains sont encore à l’école primaire, qui posent des gestes concrets pour protéger nos terres, nos eaux, notre flore et notre faune fabuleuses. Grâce à leur énergie, à leur créativité et à leur détermination, des enfants comme Ta’Kaiya Blaney constituent une force non négligeable dans la lutte pour la survie de notre planète. J’ai eu l’honneur et le privilège de m’entretenir récemment avec Ta’Kaiya.

Ta’Kaiya Blaney
Où habites-tu, Ta’Kaiya?
J’habite à North Vancouver, mais je viens de la Nation Sliammon, au nord de la ville de Powell River sur la côte de Colombie-Britannique.
As-tu visité la Côte-Nord, dans la région du Grand Ours?
L’été dernier, j’ai eu la chance d’aller à Bella Bella pour un festival de films. C’est si beau là-bas, c’est fantastique! C’est difficile de croire que des superpétroliers pourraient passer par là.
Y a-t-il des animaux de cette région que tu préfères?
J’aime les loutres de mer, elles ont toujours été parmi mes préférées. Je vais les observer à l’Aquarium de Vancouver, souvent pendant une heure de temps. J’aime aussi les baleines. Je trouve qu’elles sont une des créatures vivantes les plus gracieuses de la planète.
Qu’est-ce qui a fait que tu te préoccupes du littoral et des déversements de pétrole?
Quand j’étudiais les loutres de mer et les écosystèmes marins à l’école, ma mère est tombée sur un article dans le journal qui parlait du projet d’oléoduc Enbridge et du passage des superpétroliers là-bas. J’y ai jeté un coup d’œil et là, j’ai explosé : « Ils veulent passer par OÙ? » C’est là que tout a commencé pour moi.
Y a-t-il quelque chose, en particulier, qui t’a incitée à écrire une chanson à propos de l’oléoduc?
Je chante depuis que j’ai quatre ans, j’ai toujours aimé ça. Il m’est venu l’idée d’écrire une chanson sur l’avenir, sur un déversement de pétrole qui surviendrait dans le futur, à l’endroit où le pipeline Northern Gateway et les superpétroliers vont passer, il y aurait un accident. Il y a des paroles dans ma chanson qui disent : « Si on ne fait rien, tout disparaîtra. Je n’ai pas aidé, mais au fond de moi, je savais. »
De quelle façon ta musique peut-elle faire une différence selon toi?
J’espère faire prendre conscience aux gens des dangers de la pollution par le pétrole. Je veux vraiment que les gens soient au courant de l’oléoduc Enbridge et qu’ils se rendent compte des risques qu’il pose. Parce que ça ne met pas seulement la terre en danger, ça menace aussi la culture, une culture qui est là depuis la nuit des temps. La Colombie-Britannique est un si bel endroit, avec une nature vierge et des Premières Nations qui y vivent couramment leur culture. J’espère que les gens en sauront assez à propos de ce pipeline qu’ils vont dire non!
Et comment les enfants pourraient-ils faire une différence?
Ils peuvent écrire des lettres aux politiciens. Tout le monde a du temps et peut s’en servir à sa façon pour défendre ce qui est important. La voix de chacun compte, chaque voix passionnée qui s’élève, peu importe que ce soit celle d’un enfant ou d’un aîné.
Comment expliquerais-tu aux autres enfants, ailleurs au pays, que ce qui se passe dans la région du Grand Ours est important pour eux aussi?
Même s’il y en a beaucoup qui ne vivent pas sur la côte, c’est notre planète. La Terre est notre habitat et on est tous connectés à notre environnement. Et un oléoduc, ça peut détruire des territoires qui ne sont pas sur la côte.
Peux-tu me donner des exemples de ce que des enfants d’autres régions du Canada pourraient faire pour montrer leur appui?
Ils peuvent écrire des lettres pour dire aux entreprises et aux gouvernements ce qu’ils pensent de la destruction industrielle. Et puis, j’ai vu une étude sur le « nag factor » (facteur de harcèlement) qui montre que les enfants influencent près des deux tiers des décisions d’achat. Alors, si les enfants décident d’acheter des produits verts au lieu des produits faits de ressources non durables comme le pétrole et le plastique, on pourrait changer les choses.
Que vois-tu dans ton propre avenir, quand tu grandiras?
Quand je serai grande, c’est sûr que je vais continuer de m’occuper de ces questions et de me battre. Mais le métier que j’ai l’intention de pratiquer, c’est biologiste de la vie marine. Mon kuk’pa (grand-père en langue sliammon) et mon père m’ont toujours raconté des histoires à propos de la terre, comment elle était autrefois. Mon père me dit que pour déjeuner, il descendait au bord de la mer et mangeait des algues et des œufs de hareng déposés sur les galets. C’était propre, pas pollué. Tout ça était bon à manger. Mais sur cette même plage où il allait autrefois, il y a maintenant des pancartes qui disent que les mollusques sont empoisonnés. Plus personne ne se baigne là parce qu’il y a quelque chose dans l’eau qui fait que les mollusques sont toxiques. Je trouve ça triste, je n’aurai jamais la chance de vivre ce qu’il a vécu. Et je me suis rendu compte que si on ne fait rien, aucune future génération ne pourra vivre une expérience aussi simple que celle de voir des oiseaux migrateurs en vol de formation vers le sud.
Y a-t-il des musiciens en particulier qui influencent ta musique?
Ce qui m’inspire, ce sont les gens qui essaient d’empêcher le pipeline, pas les influences musicales.
Tu as fait un exposé à la société pétrolière Enbridge. Comment ça s’est passé?
Le problème, c’est que les grosses sociétés, elles ne te répondent pas. Quand j’y suis allée, j’ai posé une question : « En vertu de la Proclamation royale de 1763, vous devez avoir notre consentement pour faire traverser votre oléoduc. On vous dit non, alors comment allez-vous le faire passer? »
Pat Daniels, le chef de la direction d’Enbridge, il m’a remerciée d’être venue et m’a demandé de parler à Jody, là derrière lui, après la rencontre. J’étais déçue parce que j’étais venue de Vancouver à Calgary pour lui poser une question à laquelle il n’a même pas répondu.
Y a-t-il quelque chose, dans ta culture, qui fait partie de tes influences et que tu aimerais partager?
Dans ma culture, nous sommes tous reliés. Chez les Premières Nations côtières, on dit « toutes mes relations » car nous sommes tous en lien, ce qui veut dire que nous faisons tous partie de l’écosystème. Chacun fait sa part, comme les poissons font ce qu’ils ont à faire, ils mangent ce qu’ils sont censés manger et se font manger à leur tour. Mais ce qui me frappe, c’est qu’on ne fait plus ça depuis si longtemps que tout l’écosystème est déséquilibré. C’est donc de là qu’est venue une partie de mes préoccupations envers l’environnement – de ma culture.
Site Web de Ta’kaiya Blaney : https://www.takaiyablaney.com/
Vidéo Shallow Waters : https://www.youtube.com/watch?v=LkjIkuC_eWM
Pour les jeunes qui veulent participer à l’établissement d’un avenir viable, mais qui ne savent pas comment s’y prendre, je recommande Nowhere Else On Earth de Caitlyn Vernon. Dans ce livre, Caitlyn relate les combats menés pour sauver la forêt pluviale du Grand Ours sur la côte de la Colombie-Britannique. Elle y raconte plusieurs histoires tirées de son expérience personnelle de militante écologiste, suggère des moyens d’agir et encourage les plus jeunes à reprendre le flambeau. (La seule difficulté que j’ai eue à lire ce livre est que mes propres enfants n’arrêtaient pas de me l’arracher des mains pour le lire eux-mêmes!) La passion qui anime Caitlyn et son empathie font d’elle un excellent guide et mentor pour la prochaine génération de Canadiens engagés.