La mer de Beaufort, ou comment sacrifier un joyau écologique à l’autel pétrolier


Brise-glace en mer de Beaufort, É.-U. © Paul Nicklen/National Geographic / WWF-Canada
La mer de Beaufort – elle s’étend au nord des côtes des Territoires-du-Nord-Ouest, du Yukon et de l’Alaska et à l’ouest des îles de l’Arctique canadien –  fait plus de 1 750 000 km d’est en ouest, soit de l’ouest de l’Arctique canadien jusqu’à Barrow, en Alaska. La mer de Beaufort est gelée partiellement ou totalement toute l’année, sauf en août et septembre lorsque les glaces se rompent près des côtes et que s’ouvre alors un passage de 50 à 100 km de large en eaux libres. Au printemps et en été, la mer de Beaufort est biologiquement riche et elle est très productive, grâce à l’apport des sédiments et de l’eau douce en provenance du majestueux fleuve Mackenzie, qui vient s’y jeter en apportant avec lui des quantités phénoménales d’importants nutriments, sédiments et eau douce.
La mer de Beaufort est également un habitat important pour diverses espèces de poissons et oiseaux migrateurs. Cette mer abrite par ailleurs une des plus grandes diversités de mammifères marins dans le monde – phoque, ours blanc, morse, baleine boréale, béluga et baleine grise, entre autres. Les mammifères marins font partie intégrante de la culture et de l’identité des communautés Iñupiat et Inuvialuit d’Alaska et du Canada, peuples de chasseurs qui parcourent les côtes de la mer de Beaufort depuis des millénaires.


Baleine boréale (Balaena Mysticetus) sous la glace, Arctique © naturepl.com / Martha Holmes / WWF

Or, depuis les 40 dernières années, l’exploration et la mise en valeur pétrolière et gazière n’ont cessé de s’intensifier dans cette région. Et le mouvement s’est accéléré depuis quelques semaines, après qu’Ottawa ait mis à l’encan des droits d’exploration sur 905 000 hectares – une superficie équivalant à la moitié du lac Ontario – au large de la région nordique de la mer. Cette offre s’adresse bien sûr aux sociétés pétrolières et gazières, et la plupart des zones couvertes par ces droits se trouvent – une bonne partie en tout cas – dans des zones que le fédéral reconnaît lui-même comme fragiles sur les plans écologique et biologique : rebord continental de Beaufort, Beluga Bay, la dépression du Mackenzie et le chenal de séparation de l’île Banks, et le cap Bathurst Polynya.

La Loi sur les océans (1997) stipule cependant que « … le Canada promeut l’application élargie d’une approche prudente relativement à la conservation, à la gestion et à l’exploitation des ressources marines, afin de protéger ces ressources et préserver l’environnement marin ». Au rythme où le gouvernement accorde des droits d’exploration – et au vu de l’ampleur de l’opération qu’il s’apprête à mener – on cherche où est passée l’approche prudente. Et à la lumière de l’activité industrielle croissante et de l’accélération des impacts liés au climat dans la région, l’urgence devient criante de mener une planification qui tienne compte des besoins des écosystèmes et des usagers dont la subsistance dépend de cette région, et ce, avant d’exposer des zones extrêmement fragiles aux risques potentiels associés à une activité accrue d’exploration et de mise en valeur pétrolière et gazière.