Chronique d’une disparition annoncée

Le début du mois de juillet au Canada, c’est le vrai début des vacances, mais cette année, le monde était en deuil… nous venions de perdre Georges le solitaire, une tortue géante et le dernier représentant de son espèce sur l’île de Pinta.
Georges le solitaire parti, la sous-espèce à laquelle il appartenait est maintenant disparue.

Tortue géante de la famille Geochelone nigra abingdoni Abingdon, « Georges le solitaire » était le dernier représentant de son espèce. Île de Pinta, Galapagos, Équateur. © Martin Harvey / WWF-Canon

Symbole des îles Galapagos, Georges le solitaire a ébahi des centaines de touristes pendant des décennies. Compte tenu de son statut, il a également retenu l’attention  des scientifiques qui ont bien essayé de sauvegarder l’espèce. Pour plusieurs, Georges est devenu l’incarnation de l’extinction, la figure de ce qui pourrait se produire si nous ne prenons pas meilleur soin de notre planète et n’apprenons pas à la partager avec les millions d’autres espèces qui l’habitent. Et maintenant, Georges est mort, et son espèce, disparue sous nos yeux.
Jusqu’à la fin du 19e siècle, les tortues abondaient sur les îles Galapagos, mais de nombreuses espèces ont été décimées par les chasseurs, qui en appréciaient la chair. L’introduction subséquente de chèvres sur les îles a poursuivi le travail d’élimination par la destruction de leur habitat. Georges était depuis des décennies le dernier représentant connu de la tortue de l’île de Pinta, l’une des nombreuses sous-espèces de la tortue géante des Galapagos, ce qui lui a valu son surnom de solitaire.
Appartenant à une espèce dont l’espérance de vie pouvait atteindre les 200 ans, Georges – dont l’âge était estimé à environ 100 ans – n’était donc encore qu’un jeune adulte. L’on croyait disposer de tout le temps nécessaire pour trouver le moyen de rétablir l’espèce – de sauver Georges –, mais comme on ne connaissait aucune femelle vivante de son espèce, le défi était quasiment insurmontable. Les tentatives menées pour qu’il se reproduise avec des femelles de sous-espèces proches sont restées lettre morte, Georges refusant de s’accoupler avec les femelles qu’on lui présentait.
Sans le savoir, bien sûr, Georges a symbolisé l’impact des humains sur les autres espèces vivantes au cours des siècles. Il était le dernier de sa race, et nous savions depuis des décennies que le compte à rebours était commencé. Et le décompte s’est arrêté le 24 juin.
Toutes les espèces sont importantes, pour nous et pour les écosystèmes.
Malheureusement, l’être humain a la fâcheuse tendance à oublier qu’il n’est qu’un animal parmi d’autres sur la planète. La santé des océans, des forêts, du ciel et des cours d’eau, ce n’est pas simplement pour faire joli et nous servir comme bon nous semble, car ces océans et ces forêts ne seraient rien sans leurs habitants – espèces animales et végétales tout aussi belles et uniques les unes que les autres. Les espèces vivantes sont autant de cordons ombilicaux de la planète qui, sans eux, ne serait peut-être qu’un gros caillou dans l’espace.
Je n’ai jamais rencontré Georges le solitaire, mais cela me fait de la peine de le savoir mort. Une autre espèce disparaît, et je trouve cela bien triste, car il y a des décennies que l’on sait le tort que l’on fait à notre planète et que l’on essaie de la sauvegarder. Et Georges n’est pas le seul, de nombreuses espèces partout sur la planète sont menacées de disparaître – y compris ici au Canada, comme la baleine noire de l’Atlantique Nord.
J’aimais bien savoir que Georges était là, seul, mais déterminé à représenter son espèce sur la Terre. Quelle tristesse qu’encore aujourd’hui l’activité humaine continue de mener des espèces à l’extinction. Un grand nombre d’espèces a besoin de nous, et malgré les difficultés auxquelles elles font face quotidiennement, elles continuent de se battre pour survivre. À nous de continuer nous aussi de nous battre pour elles, pour les protéger et protéger les habitats dont dépend leur survie.