Si j’étais un caribou…

Dans une note de service récente entre deux ministères fédéraux, il était écrit noir sur blanc que 15 espèces en péril – mammifères, oiseaux, amphibiens et plantes – pourraient souffrir du passage du projet d’oléoduc Gateway de 1200 km entre l’Alberta et la côte britanno-colombienne. Parmi ces espèces figure le caribou des bois en Alberta et le caribou de montagne en Colombie-Britannique.

Mâle caribou (Rangifer tarandus) au début du printemps dans le parc national Jasper, en Alberta. © Wilf SCHURIG / WWF-Canada

Rien d’étonnant, en fait, à ce qu’un projet de cette envergure – et sur une telle distance – perturbe quelques habitats essentiels au passage. Or, on connaît déjà la sensibilité aux perturbations de ces deux écotypes de caribou, ce qui est la raison même de leur inscription sur la liste des espèces menacées selon l’article 1 de la Loi (fédérale) sur les espèces en péril.
Par nature, je ne suis pas porté à la panique, alors je me pose la question suivante : Et alors? Si j’étais un caribou, devrais-je être inquiet?
Quand on sait que le gouvernement fédéral se targue du fait que le Canada connaîtra au cours de la prochaine décennie 500 nouveaux projets économiques d’une valeur de 500 milliards de dollars, on peut en effet se poser la question. Si ces projets doivent voir le jour, et si la beauté naturelle et la biodiversité de notre pays doivent ne pas en souffrir, les citoyens de ce pays doivent avoir l’assurance qu’une réglementation adéquate sera en place pour minimiser, à tout le moins, les dommages à l’environnement.
Ce n’est donc pas du tout le moment d’affaiblir une telle réglementation.
Le gouvernement a donc la responsabilité de fixer des normes claires et exécutoires, fondées sur les données scientifiques pertinentes. Cependant, l’expérience a démontré qu’en ce qui touche le caribou, par exemple, la réglementation n’est qu’un élément de la solution, ou de la protection si l’on préfère. Les solutions durables à terme exigent également la collaboration entre l’entreprise et les groupes de conservation, qui doivent à leur tour travailler de concert avec les Premières Nations et autres représentants des communautés, qui doivent disposer de telles mesures, les promouvoir et les appliquer.
Revenons au projet Gateway… quelle est la probabilité de voir se déployer toutes ces mesures et précautions?
Si j’étais un caribou, je serais drôlement inquiet.
D’abord, il faudra voir si les amendements apportés récemment à la réglementation environnementale du Canada auront laissé quelques dents à notre loi – ce dont doutent de nombreux scientifiques et membres de groupes de conservation.
Les données produites par l’industrie en matière de vérification et de sécurité environnementale font actuellement l’objet d’audiences réglementaires, et sont sur la sellette.
Plusieurs conseils des Premières Nations et municipaux ont adopté des résolutions d’opposition au projet.
WWF-Canada a exprimé sa position, soit qu’il ne devrait y avoir ni oléoduc, comme prévu, traversant la forêt pluviale du Grand Ours, ni pétroliers associés à un tel oléoduc, dans les zones marines adjacentes, dans le nord de la Colombie-Britannique.
Certains endroits sont sacrés, et selon nous le pays du Grand Ours est un de ces endroits. Voilà pourquoi nous vous invitons à vous joindre aux Citoyens pour la protection du Grand Ours. Si j’étais un caribou, je ne me poserais pas la question!