Le projet minier Mary River de Baffinland est approuvé sous conditions par la CNER

Par Vicki Sahanatien, responsable des communications avec les gouvernements et les collectivités de l’Arctique
Un des plus importants rapports d’étude d’impact environnemental au Nunavut a été rendu public le vendredi 14 septembre dernier. La Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions (CNER) a en effet publié ce jour-là son rapport final d’audiences (en anglais) sur le projet Mary River de la Baffinland Iron Mines Corporation. Le projet en question consiste en une mine de fer à ciel ouvert dans le nord de l’île de Baffin, au Nunavut. La CNER avait pour mandat d’évaluer les éventuels impacts environnementaux de la mise en chantier et de l’exploitation de la mine et de toutes les infrastructures de soutien et de transport du minerai vers les marchés.

C’est ce dernier élément, soit l’acheminement du minerai de fer vers les marchés étrangers, notamment européens, qui pose le plus grand défi sur le plan environnemental. Au cours des audiences techniques (2011) et finales (2012) de la CNER, plusieurs citoyens, collectivités, organisations inuites, ministères fédéraux et territoriaux, ainsi que le WWF-Canada, ont exprimé leurs préoccupations quant aux impacts possibles du transport de minerai à partir du nord de l’île de Baffin jusqu’à l’océan Atlantique. Le minerai sera d’abord acheminé par voie ferrée de la mine au port de Steensby Inlet construit expressément pour ce projet, puis chargé à bord de grands navires-minéraliers qui le transporteront à travers le bassin de Foxe et le détroit d’Hudson vers le grand large. On prévoit que la durée de vie utile de la mine Mary River sera de 21 ans.

La taille des minéraliers proposés (dont la capacité sera plus de six fois celle du NM Arctique qui est actuellement le principal cargo assurant le service toute l’année dans l’Arctique canadien) et l’intensité du trafic maritime (plus de 200 passages de navire par année), de même que les effets potentiels de cette navigation continue sur l’environnement marin et les espèces qui l’habitent, sont autant de précédents pour le Nunavut et l’Arctique canadien.

(C) Martin von Mirbach, WWF-Canada

Le rapport final des audiences revient plusieurs fois sur l’état originel, vierge de presque toute intervention humaine, du nord de l’île de Baffin et des milieux marins du bassin de Foxe et du détroit d’Hudson. Reconnaissant en outre le haut degré d’incertitude de l’évaluation des impacts potentiels et cumulatifs du projet ainsi que les lacunes de la base de données écologiques de référence, la CNER recommande l’adoption du principe de précaution dans la réalisation du projet et la mise en place d’un vaste réseau de surveillance des écosystèmes de la région. À l’écoute des préoccupations des collectivités, des ministères et du WWF relativement aux impacts environnementaux et socioéconomiques du projet, la CNER a formulé dans son approbation 184 conditions qu’elle souhaite voir respectées pour sa mise en œuvre.
La décision appartient maintenant au ministre, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, John Duncan. En effet, selon l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut (alinéa 12.5.7), il appartient à ce ministre fédéral d’examiner le rapport final de la CNER et de prendre l’ultime décision. À la lumière des « intérêts nationaux stratégiques » formulés par le gouvernement Harper, peut-on s’attendre à ce que le ministre Duncan accepte les conditions de la CNER? Les Nunavummiut et le WWF-Canada attendent de pied ferme la décision du ministre, comme devraient le faire tous les Canadiens, d’ailleurs, car cette décision établira le seuil de tolérance en matière de développement respectueux de l’environnement dans l’Arctique canadien.