Malgré des succès, les forêts du bassin du Congo se « vident » de leurs éléphants

Écrit par : Jules Caron du WWF Afrique Centrale
Un total de 17 braconniers ont été arrêtés entre le 16 et le 23 janvier dans la partie gabonaise du paysage Dja-Odzala-Minkébé (TRIDOM), une zone chevauchant le Gabon, le Cameroun et la République du Congo reconnu comme un lieu prioritaire pour la conservation de la biodiversité, selon le conservateur de l’agence nationale des parc nationaux du Gabon responsable des parcs de TRIDOM, Joseph Okouyi.

CAMEROUN, 1er Octobre 2012: Pauwel De Wachter, WWF coordonnateur TRIDOM d’Afrique centrale, se trouve à côté des restes d’une femelle éléphant de forêt qui a été abattue par un officier de l’armée pour son ivoire. L’officier a ensuite été arrêté et accusé par les écogardes. Photographié par Mike Goldwater

« Nous n’avons jamais arrêté autant de braconniers en si peu de temps – un signe que notre stratégie de lutter contre la criminalité faunique en y dédiant plus de ressources porte ses fruits, » a-t-il indiqué, ajoutant que douze autres braconniers avaient réussi à éviter la capture durant ces opérations.
Mais Okouyi a caractérisé de « terrifiant » les renseignements recueillis auprès des prisonniers, une information qui indique que les braconniers sont en train de vider le TRIDOM de ses éléphants, et que le seul moyen efficace de lutter contre les criminels fauniques est à travers une coopération régionale et internationale accrue.
Plus de ressources pour sauver les éléphants de l’Afrique Centrale
« L’année dernière nous avons eu à notre disposition 20 écogardes opérationnels pour patrouiller une zone qui couvre plus de 12.000 kilomètres carrés, soit la taille équivalente d’un pays comme la Jamaïque, » a déclaré Okouyi.
« Maintenant nous avons 43 écogardes operationnels. Nous avons donc deux fois plus de capacité, sans compter l’appui crucial de la gendarmerie nationale et des forces armées gabonaises. »
« Avec plus d’hommes on peut faire plus de patrouilles et couvrir plus de terrain. Non seulement ceci se traduit en plus arrestations, mais ça donne aussi un signal fort aux braconniers que nous sommes là. »
La forêt TRIDOM – un espace cinq fois la taille de la Belgique –  est hôte de la plus grande population d’éléphants de forêts de l’Afrique Centrale, comptant jusqu’à 40.000 individus. Malheureusement, c’est aussi un des endroits les plus dangereux du monde pour un éléphant, avec des douzaines tués chaque jour pour leur ivoire.
« Le WWF félicite l’Agence Nationale des parcs nationaux et l’armée gabonaise pour ces arrestations, » a déclaré Bas Huijbregts, responsable de la campagne du WWF contre le commerce illégal d’espèces sauvages en Afrique Centrale.
« Ces opérations sont encore plus impressionnantes si l’on considère qu’elles ont été menées dans un des endroits les plus boisés et inaccessibles de la planète, » dit-il.
Les braconniers « vident » les forêts de leurs éléphants
« Des informations terrifiantes obtenues suite à ses arrestations nous montrent que nous avons seulement touché la pointe de l’iceberg qui est le massacre des éléphants dans cette partie de l’Afrique centrale, » a dit Okouyi.
Il a expliqué que l’une des personnes en garde à vue avoué qu’une partie de chasse est généralement composée d’au moins trois chasseurs, sept à dix porteurs et d’un représentant de l’acheteur. Une partie de chasse, dit-il, prend fin lorsque chaque porteur a sur lui 40 kilogrammes d’ivoire – une valeur de jusqu’à 70.000 $ dans la région par partie de chasse.
« Cela peut représenter jusqu’à 70 éléphants morts par partie de chasse, » a indiqué Huijbregts.
« Bien que nous commencions seulement maintenant à comprendre la dynamique de cette activité criminelle, nous savons que plusieurs de ces groupes sont actifs dans ces forêts chaque jour. »
« Les forêts d’Afrique centrale se vident de leurs éléphants, » a déclaré Huijbregts.
La nécessité d’une plus grande collaboration
Les autorités gabonaises sont non seulement confrontées à un ennemi en grand nombre. Il y a la difficulté supplémentaire que la plupart de ces individus travaillent ou sont originaires d’un autre pays, ce qui reflète l’aspect transnational de la criminalité faunique.
« Il est regrettable mais vrai que dans le nord du Gabon la plupart des braconniers et beaucoup de leurs patrons sont des ressortissants camerounais et ont pour bases des villes et des villages de l’autre côté de la frontière, ainsi que le port de Douala et la capitale Yaoundé, » a dit Okouyi.
« Nous savons aussi que certaines de ces parties de chasse sont commanditées par des ressortissants chinois. »
« C’est pourquoi il est crucial d’augmenter notre collaboration avec les pays voisins, notamment le Cameroun, mais aussi avec des organismes qui luttent contre la criminalié international tel INTERPOL, » a ajouté Okouyi.
Selon le WWF, la hausse vertigineuse de la demande pour l’ivoire dans des pays comme la Thaïlande et la Chine pousse les braconniers à chasser les éléphants à des niveaux sans précédants.
« Une collaboration avec les pays comme la Chine et la Thaïlande est donc essentielle pour arrêter la demande, qui est à l’origine de ces massacres d’éléphants, » a-t-il conclu.

Carte du paysage TRIDOM, une zone chevauchant le Gabon, le Cameroun et la République du Congo, reconnu comme un lieu prioritaire pour la conservation de la biodiversité. Source : WWF.

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