Le gaz naturel liquéfié – Bonheur ou malheur? Le débat est engagé

Le WWF a posé la question lors de la séance publique pleine à capacité qui s’est tenue le 15 avril dernier et qui portait sur les ambitions de la Colombie-Britannique en matière de gaz naturel liquéfié. Première d’une série de consultations publiques organisées par le nouvel Energy Forum, la soirée était animée par nos partenaires et hôtes conjoints Clean Energy BC et Clean Energy Canada.
La ruée vers l’or du gaz naturel liquéfié (GNL) est lancée. Le gouvernement prévoit qu’au moins trois terminaux d’exportation du GNL seront en fonction sur la côte ouest d’ici 2020. Au début d’avril, quatre nouveaux projets se sont ajoutés à la liste. Le GNL est surtout extrait du sol par fracturation hydraulique; il doit ensuite être comprimé et congelé avant d’être exporté.

Campement

Campement de chantier industriel dans le nord de la Colombie-Britannique (C) Mike Ambach, WWF-Canada

Les questions au sujet du GNL jaillissaient de toute part lors de la rencontre de l’autre jour. Mark Grist de Fortis B a ouvert la séance avec un bref cours de « GNL 101 ». Chaque autre expert a ensuite résumé en quelques mots ce que signifie le GNL pour la Colombie-Britannique :
Karena Shaw, Université de Victoria :
« Bénéfice inadéquat pour les Britanno-Colombiens. »
Art Sterritt, Premières Nations de la Côte :
« Incompréhensible, non planifié, irréaliste et irréalisable. »
Kathryn Harrison, Université de la Colombie-Britannique :
« Risqué, irresponsable, injuste et volontairement aveugle. »
Steve Davis, Consultant en Independent Power Producer :
« Infrastructures, occasion, héritage perdu. »
Tom Syer, Business Council of BC :
« Occasion d’une génération, grands défis. »
Et pour le WWF-Canada, qu’est-ce que ça signifie? Voici quelques-unes de nos principales questions et réflexions.
Le climat : Nous sommes préoccupés par la contradiction flagrante qui existe entre le développement du GNL et les cibles ambitieuses et louables que s’est données la Colombie-Britannique en matière de lutte aux changements climatiques, selon le spécialiste Matt Horne de l’Institut Pembina et dans la perspective préconisée par le WWF d’un avenir propulsé à 100 % par les énergies renouvelables d’ici 2050. L’Agence internationale de l’énergie prévient que le développement du gaz de schiste ferait augmenter les émissions de CO2 suivant une courbe menant à une hausse de plus de 3,5 °C des températures à long terme, soit bien au-delà de la cible mondialement acceptée de limiter la hausse à 2 °C.
Les énergies renouvelables : Mais si le développement du GNL se fait à l’aide d’énergies renouvelables, comme le préconisent bien des gens du secteur des énergies propres, de même que les Premières Nations de la Côte, cela pourrait vraiment remplacer des combustibles fossiles plus sales utilisés ailleurs et ainsi changer le bilan d’ensemble.
L’eau : Les effets du GNL sur l’eau ne cessent de faire surface. Cela prend en moyenne 11 millions de litres d’eau pour fracturer le schiste d’un puits de gaz. Selon la BC Oil and Gas Commission, on a foré plus de 7 300 puits dans cette province depuis 2005, et la commission autorise le forage de 500 à 1 000 nouveaux puits par année, dont la plupart emploient la fracturation hydraulique.
La divulgation des produits toxiques : Les entreprises menant des activités d’exploration et de forage pour le pétrole et le gaz sont exemptées de se rapporter à l’Inventaire national des rejets de polluants (INRP) à ce sujet et ne sont donc pas obligées d’informer la population des effets sur l’environnement et la santé publique que peuvent avoir les 800 et quelques produits chimiques utilisés dans les liquides de fracturation. (Le site provincial fracfocus représente un pas dans la bonne direction, mais il ne reproduit pas plusieurs des meilleures caractéristiques de l’INRP.)
Les océans : Le développement du GNL aura aussi un impact sur l’environnement marin de la Colombie-Britannique. Un des projets envisagés comprend la construction d’une usine de traitement du gaz au beau milieu d’un fragile habitat de zostères. L’augmentation des exportations entraînera un accroissement du trafic de navires méthaniers. Nous tentons de caractériser l’impact des bruits de la navigation sur les cétacés de la côte nord et ne savons pas comment se traduira cette augmentation du trafic maritime.
Les caribous : Et puis il y a le déclin de la population de caribous de montagne dans le nord de la Colombie-Britannique où les habitats se font de plus en plus rares et déstructurés à cause des activités gazières et industrielles.
Qu’est-ce que le gouvernement devrait faire pour remédier à ces impacts prévisibles?
La stratégie du GNL que propose le gouvernement de la Colombie-Britannique soutient que ce combustible fossile est stable et présente un faible risque. Elle souligne en outre les bénéfices économiques qui en découlent. Ailleurs dans le monde, de la France à l’État de New York, de la Bulgarie à la Nouvelle-Écosse, les gouvernements sont aux prises avec le GNL. Il y en a qui adoptent des moratoires temporaires ou permanents sur le GNL, d’autres qui en interrompent le développement pour étudier davantage ses répercussions ou qui mandatent des recherches tout en poursuivant le développement, et certains modifient leur réglementation en tenant compte des impacts.
La rencontre du 15 avril de l’Energy Forum a permis de raffermir quelques-unes de nos connaissances et d’améliorer notre compréhension des enjeux du développement du GNL. Nous allons continuer de fouiller la question et de promouvoir des solutions énergétiques à faible incidence, renouvelables et respectueuses du climat.