Où sont rendus nos épaulards de l’Arctique?

Eh, bien! après deux mois exaltants de pistage d’un troupeau de 14 à 20 épaulards, il semble que le dernier des cinq émetteurs satellitaires dont nous avions muni quelques individus en août, à l’ouest de Pond Inlet au Nunavut, soit tombé au fond de l’océan ou ait cessé de fonctionner. C’est le genre de chose qui arrive dans le monde de la science de la conservation! Le 11 octobre, nous avons enregistré leur dernière position à l’est de Nain, au Labrador, alors que le troupeau filait vers le sud.

ÉpaulardsTroupeau d’épaulards (Orcinus orca) traversant le détroit de Haro, en Colombie-Britannique (Canada).
© Natalie Bowes / WWF-Canada

On ne saura jamais avec certitude où cette bande passe l’hiver (il y a quelques années, un émetteur a continué de fonctionner jusqu’en novembre, permettant de suivre un troupeau jusqu’au large des Açores, dans l’Atlantique Est), mais nous avons appris un tas de choses importantes sur ce grand prédateur marin et les lieux qu’il fréquente durant l’été dans les eaux de l’Arctique canadien. Ces données essentielles aideront le Fonds mondial pour la nature à faire pression auprès des autorités afin qu’elles adoptent des mesures robustes de protection de l’environnement qui préserveront ces zones si cruciales pour la faune marine en regard des rapides changements climatiques et industriels.
J’estime que ces épaulards ont parcouru au moins 4 000 kilomètres dans l’est de l’Arctique canadien au cours des huit semaines de pistage à l’aide des émetteurs. Le troupeau est passé par plusieurs zones reconnues pour les importantes concentrations d’autres mammifères marins qu’elles abritent en été, tels les narvals, les bélugas et les baleines boréales, en plus des morses et des nombreuses espèces d’oiseaux de mer. Je soupçonne les épaulards d’avoir fait ample provision d’énergie pour l’hiver en se nourrissant là avant d’amorcer leur long périple vers le sud. Ce troupeau ne s’est pas attardé avant de plonger dans les eaux profondes au large du plateau continental, contrairement à ces pauvres épaulards qui s’étaient retrouvés prisonniers des glaces dans la baie d’Hudson l’hiver dernier.

Carte de trajectoires des épaulards d'août à octobre 2013Itinéraire de plus de 4 000 kilomètres du troupeau d’épaulards dans l’est des mers arctiques canadiennes au cours des huit semaines durant lesquelles les émetteurs ont fonctionné.

Mais à mesure que les eaux de l’Arctique perdront leur banquise durant de plus longues périodes chaque été, on y verra presque inévitablement un plus grand nombre d’épaulards remplacer les ours polaires comme prédateurs suprêmes au sommet de la chaîne alimentaire dans certaines régions de ce vaste écosystème marin du Grand Nord. Le Fonds mondial pour la nature vise la mise en œuvre de plans d’intendance marine sensés, reposant sur des données fiables, pour permettre à la nature de s’accommoder au mieux de ces changements et ainsi de conserver sa vitalité et sa résilience le plus longtemps possible. Et aussi, bien sûr, nous allons continuer d’exercer des pressions pour que l’économie mondiale passe à l’alimentation aux énergies renouvelables d’ici 2050 afin d’atténuer les pires conséquences des changements climatiques accélérés.