Le Canada, pays riche de son eau… mais est-elle en santé?

Mon attachement au Canada est passé essentiellement par ma connexion avec l’eau. Lorsque, jeune, je suis arrivé d’Angleterre pour venir vivre au Canada, j’ai eu l’occasion d’aller faire du canot dans le parc Algonquin, et j’ai été séduit – et conquis – par l’étendue et la pureté des lacs et cours d’eau de ma terre d’adoption. À l’époque, on pouvait boire l’eau directement à la source, sans crainte… et sans arrière-goût!

Canoeists paddle on lake, Ontario, CanadaCanoéistes sur un lac du parc provincial Algonquin, Ontario. © Frank PARHIZGAR / WWF-Canada

Ne voudrions-nous pas tous pouvoir faire de même encore aujourd’hui? Mais comment avoir confiance dans l’eau qui nous entoure si nous ne savons même pas dans quel état de santé sont nos fleuves, nos rivières et nos lacs?  En dépit des meilleures intentions – et des efforts – des citoyens et groupes de défense de l’eau qui s’activent à préserver qui le ruisseau, qui la rivière qui traverse sa région, nous n’avons aucune méthode cohérente de mesure de la santé de nos ressources en eau. Difficile, lorsqu’on ne peut évaluer une situation adéquatement, d’instaurer les mesures nécessaires à son redressement. De fait nous n’avons pas l’information dont nous aurions besoin pour bien saisir les impacts et répercussions des décisions de développement, projets de réhabilitation et réformes juridiques. Heureusement, un nombre croissant de citoyens, d’entreprises et d’organismes commencent à reconnaître la pertinence – et la nécessité de nous doter – d’une méthode standardisée d’évaluation de la santé de l’eau au Canada afin de pouvoir mettre en place les mesures qui redonneront leur vitalité aux cours d’eau et aux lacs auxquels nous tenons, et de l’information qui permettra de dresser un portrait global et détaillé à la fois de chaque situation.
Le WWF-Canada a créé dans cette perspective un outil qui servira à l’échelle nationale, les bilans de santé des cours d’eau.  Mise au point grâce aux conseils et au soutien d’experts à travers le Canada et d’un peu partout dans le monde, cette méthode d’évaluation nous permet enfin de procéder au bilan de santé de l’eau dans l’ensemble du Canada, et de bien cerner où et comment diriger nos projets de conservation.

L’objectif du WWF-Canada est d’évaluer chaque bassin versant au Canada d’ici 2017, au moyen d’une série de paramètres rigoureux et cohérents. D’ici le mois de juin, nous aurons terminé l’évaluation de 25 % des zones des bassins versants au Canada, et leur aurons attribué une cote de l’état de santé – qui varie de très bon à très faible, selon les résultats obtenus au moyen des quatre paramètres que nous avons établis : le débit, la qualité de l’eau, les poissons et les macroinvertébrés benthiques.

Il est frappant de constater que près de la moitié des bassins versants évalués ont reçu une cote globale de « données insuffisantes », c’est-à-dire qu’on ne dispose pas d’information probante suffisante pour répondre aux critères de nos normes rigoureuses. Dans plusieurs cas, ce n’est pas que l’information est inexistante, mais inaccessible. Dans d’autres cas, les données sont simplement insuffisantes pour pouvoir en tirer une évaluation concluante. Une partie de notre travail consiste donc à récupérer les données brutes recueillies dans le cadre d’évaluations environnementales à partir des bases de données et de rapports produits sous contrôle gouvernemental, et à convertir ces renseignements dans un format accessible afin d’en tirer la substance.
Voilà précisément l’objectif de nos  bilans de santé des cours d’eau : rendre l’information pertinente accessible à quiconque en a besoin, afin d’instruire les décisions et investissements relatifs aux cours d’eau et assurer que nous intervenons pour le bien d’une de nos ressources les plus précieuses. Le travail réalisé à ce jour en ce sens est déjà probant. Outre l’orientation que nous pouvons mieux donner à notre action, l’information recueillie sert à documenter les projets de conservation sur le terrain soutenus grâce au Fonds Loblaw pour l’eau.

Skeena River, British Columbia, CanadaLa rivière Skeena près de Prince Rupert, Colombie-Britannique. © Mike Ambach / WWF-Canada

Nous estimerons l’efficacité et la pertinence de notre processus d’évaluation de la santé de l’eau  à l’aune de qualité de l’eau que vous buvez à la maison, de celle des rivières où vous emmenez vos enfants découvrir la richesse de notre nature, et des lacs qui font du Canada le dépositaire de l’une des plus immenses ressources d’eau douce sur la planète. Les citoyens de ce pays ne veulent pas savoir si leurs cours d’eau sont en santé, ils veulent savoir que leurs lacs, fleuves et rivières sont en santé.