Le Canada peut protéger les baleines du monde entier

Commençons par les bonnes nouvelles : les cétacés des eaux canadiennes sont pour la plupart en voie de rétablissement. Les baleines noires de l’Atlantique Nord, autrefois chassées jusqu’à presque disparaître, ont doublé en nombre. Chaque année, on compte plus de rorquals communs et à bosse dans nos eaux du Pacifique. L’été dernier, pour la première fois en 62 ans, deux baleines noires du Pacifique ont été aperçues au large des côtes de la Colombie-Britannique.

Northern right whale, Cape Cod Bay, Massachussetts, United StatesTrois baleines noires de l’Atlantique Nord, aussi connues sous le nom de baleines franches, se nourrissent en écumant la surface de l’océan. © PCCS//PCCS-NOAA permit 633-176 / WWF-Canada

Le Canada partage ces cétacés avec le reste du monde et les signes de récupération que nous observons, fruits d’efforts de conservation nationaux et internationaux, sont très encourageants. Mais voilà, tout n’est pas aussi rose. La vérité est que le rétablissement des cétacés menacés d’extinction est aussi fragile qu’il peut être porteur d’espoir. Un pas en arrière, au seuil de la disparition, n’est encore qu’à un pas du néant. Les grands mammifères marins vont-ils continuer de se multiplier dans les eaux canadiennes et ailleurs sur la planète? La question reste ouverte.
Bordé par trois océans et possédant le plus long littoral au monde, le Canada est en position d’y répondre. Les récentes recherches et des initiatives menées le long de nos côtes montrent la voie en mettant en évidence l’une des choses dont les cétacés ont le plus besoin : le silence!
Nos yeux ne voient pas aussi bien sous l’eau qu’à l’air libre, mais l’ouïe, elle, entend mieux. Le son voyage plus loin dans l’eau que dans l’air, et c’est pourquoi les cétacés, ces mammifères très socialisés, utilisent l’écholocation (les ondes sonores et leur écho) pour communiquer, naviguer et trouver leur nourriture.
Le problème est que les cétacés nageant dans les eaux canadiennes risquent d’être assourdis par l’avalanche de bruits provenant du trafic maritime, des sonars, des chantiers de construction sur le rivage et de l’exploration sismique. Mais ce n’est pas inévitable.
Nous disposons déjà de technologies qui nous permettent de construire des navires plus silencieux et de modifier ceux qui existent pour qu’ils émettent moins de bruit. Et en prime, plus les bateaux sont silencieux, plus ils sont efficaces, ce qui se traduit par des économies d’argent. En collaboration avec des partenaires de la côte Ouest, le WWF-Canada cherche d’autres moyens de rendre les océans plus silencieux. En réduisant, par exemple, les droits portuaires pour les bateaux qui respectent certaines normes sensées en matière de bruit.
Outre l’industrie, les gouvernements aussi doivent s’y mettre, et le fédéral pourrait faire preuve de leadership dans ce domaine de bien des manières.

Humpback whale, Bay of Fundy, New Brunswick, CanadaUn rorqual à bosse (Megaptera novaeangliae) plonge au large de l’île Grand Manan, dans la baie de Fundy, au Nouveau-Brunswick. © Barrett&MacKay / WWF-Canada

Ainsi, par exemple, des plans de gestion des usages marins pourraient délimiter des zones où les activités bruyantes seraient limitées, surtout durant certaines périodes de l’année. C’est le genre de décision qui guiderait l’industrie vers les bons choix tout en protégeant les habitats et les espèces qui nous tiennent à cœur. L’établissement de normes régissant la pollution sonore dans nos océans stimulerait le développement de technologies plus silencieuses, un secteur où le Canada pourrait mener la marche.
Également, alors que le Canada en est à élaborer son Plan national de conservation, se présente une occasion en or de mieux administrer et protéger les zones à haut potentiel de conservation en y réduisant les activités qui produisent des niveaux élevés de bruit océanique.
Les aires marines protégées (AMP) sont un élément essentiel de la solution. L’interdiction de l’exploitation et de l’usage excessif de certaines zones a fait amplement ses preuves comme outil efficace de protection et même d’amélioration de la biodiversité marine. Mais pour vraiment faire une différence, ces AMP doivent être très nombreuses et constituer de vastes régions écologiquement représentatives, interconnectées en réseaux qui assurent une réelle protection contre les activités ayant d’importants impacts négatifs. À l’heure actuelle, le Canada traine la patte avec seulement 1 % de son territoire marin qui est protégé à ce niveau.
En outre, les évaluations environnementales des grands projets industriels pourraient – et devraient – exiger des promoteurs qu’ils surveillent les impacts sonores sous-marins de leurs activités et adaptent celles-ci, ou même les interrompent au besoin.

Humpback whales, British Columbia, Canada Des rorquals à bosse (Megaptera novaeangliae) en train de se nourrir dans les eaux côtières près de Prince Rupert, en Colombie-Britannique. © WWF-Canada / Chad Graham

Nous avons toutes les raisons, au Canada, de devenir les chefs de file mondiaux dans ce domaine. De profonds liens culturels et économiques unissent les communautés côtières aux cétacés. Depuis quelques décennies, l’observation des baleines est une activité en pleine expansion faisant partie d’une industrie qui génère 2,1 milliards $US par année dans le monde entier. Pour les populations qui vivent et travaillent sur les côtes canadiennes, et pour tous les voyageurs qui viennent admirer la grandiose majesté des cétacés, nous avons la responsabilité de protéger ces mammifères marins, cela ne fait aucun doute.
Et nous avons la capacité de le faire. Dans les eaux canadiennes, nous avons vu des routes maritimes modifiées, des réserves s’établir et des pêcheurs s’associer aux écologistes pour atteindre cet objectif. La protection d’espaces marins silencieux garantira cet héritage, ainsi que le fragile rétablissement de quelques-uns des plus fabuleux animaux de la planète. Le temps est venu d’agir.