Northern Gateway : Émissions… et omissions

Au mois de décembre dernier, la Commission d’examen conjoint déclarait au gouvernement fédéral que le projet d’oléoduc et de pétroliers Northern Gateway de la pétrolière Enbridge serait dans l’intérêt public. En juin prochain, le gouvernement rendra sa décision, fondée en partie sur la recommandation de la Commission. Nous vous proposons ici une série de blogues mettant en lumière les lacunes de l’examen environnemental du projet Northern Gateway.
Le projet d’oléoduc Northern Gateway est-il vraiment dans l’intérêt public? La Commission d’examen conjoint qui en a recommandé l’autorisation au gouvernement fédéral semble le croire. En effet, la Commission a établi ce qu’elle estime constituer les principaux avantages et fardeaux associés à ce projet et a conclu que l’intérêt public des Canadiens serait mieux servi en recommandant que le projet soit approuvé.
Le WWF ne partage pas la conclusion de la Commission. Pourquoi pas? C’est que la Commission a évalué l’intérêt public du strict point de vue économique, et a négligé d’étudier l’impact du projet sur un intérêt public plus large et entourant la nécessité d’assurer la stabilité du climat. La Commission a déclaré « [qu’] il est important pour l’économie et la société canadiennes que de nouveaux marchés s’ouvrent dans le bassin du Pacifique ».

suncor-refinery-fort-sask-alta_N3G3662_DxO-aswrightLa Commission d’examen conjoint a décidé de ne pas tenir compte du coût environnemental d’une augmentation des émissions de gaz à effet de serre qui menacent déjà notre environnement, notre société et notre économie. © Andrew S. Wright/WWF-Canada

La Commission a fondé ce jugement de valeur sur la conviction d’une baisse future de la demande de pétrole en Amérique du Nord, et l’estimation qu’une part croissante de cette demande sera comblée grâce aux réserves de pétrole de schiste léger et moyen, principalement aux États-Unis. Si la demande de pétrole baisse à l’échelle nationale, cela signifie que l’industrie des sables bitumineux ne pourra poursuivre ses ambitieux projets de croissance que si elle a accès aux marchés étrangers. Le projet Northern Gateway vise précisément l’accès à ces marchés. Abordée sous cet angle, la situation est on ne peut plus claire : c’est l’industrie des sables bitumineux qui a le plus d’intérêt à ce que se réalise ce projet.
Malheureusement, la Commission n’a pas abordé la question de l’intérêt public dans l’optique du coût climatique. De fait, les commissaires ne se sont pas intéressés aux émissions de gaz à effet de serre issues de l’augmentation de la production et de la consommation de pétrole, inextricablement liées à ce projet. Or, comme le mentionnait l’économiste en chef de l’Agence internationale de l’énergie dans sa mise en garde, le développement de nouvelles infrastructures dans le domaine des combustibles fossiles ne pourra que faire augmenter les émissions de gaz à effet de serre qui menacent déjà notre environnement, notre société et notre économie. Ainsi, en refusant de prendre en compte l’ampleur réelle des émissions de gaz à effet de serre, la Commission a gravement péché par omission.

Garth-Lenz-Gateway-full-res-9239Un des nombreux cours d’eau que se propose de traverser l’oléoduc Northern Gateway. Les impacts du réchauffement climatique induit par les émissions de GES se font déjà sentir sur les débits des cours d’eau sauvages en Colombie-Britannique. © Garth Lenz

Cette omission a également inquiété des participants aux audiences de la Commission, qui ont affirmé aux commissaires qu’il serait injuste de calculer les avantages économiques, mais d’omettre de calculer les coûts environnementaux. La Commission a admis ce déséquilibre, mais plutôt que de prendre en compte les deux côtés de la médaille, son rapport final a argué ne pas avoir non plus pris en compte les avantages d’une production accrue des sables bitumineux. Cela ne rétablit aucunement l’équilibre. Au contraire, cela a pour résultat que la Commission n’a pas ignoré un seul, mais bien deux des plus importants arguments en faveur et contre le projet.
La Commission d’examen conjoint a omis de tenir compte de données essentielles à une évaluation pertinente de l’intérêt public d’un projet comme Northern Gateway. À mon sens, ces omissions enlèvent toute pertinence à sa recommandation.