Northern Gateway: une décision inacceptable

La semaine dernière, 20 000 personnes ont signé une lettre au Premier ministre pour lui dire que la seule réponse acceptable à Northern Gateway pour le projet de construction de l’oléoduc d’Enbridge était «non». Hier, ils ont reçu une réponse inacceptable. Encore une fois, le Premier ministre ignore la science et des dizaines de milliers de ses citoyens.
Il est en effet inacceptable, selon 300 scientifiques, que ce projet aille de l’avant alors qu’ils ont fait valoir de graves et troublantes lacunes dans le rapport de la commission d’examen conjoint. Inacceptable aussi pour plus de 100 collectivités des Premières nations qui ont exprimé une profonde inquiétude, à la fois avec le processus et les impacts du projet sur leurs familles et leurs moyens de subsistance. Les habitants de Kitimat, au centre du projet, ont dit « non » au projet, comme la majorité des Britanno-Colombiens, qui feront les frais de risque du projet. En effet, des dizaines de milliers de Canadiens de partout au pays se sont unis dans l’opposition à ce plan. Un plan qui sectionnera la forêt pluviale du Grand Ours et ses rivières à saumon vierges pour y planter deux oléoducs. Un plan qui verra 220 pétroliers surdimensionnés naviguer chaque année dans les eaux abritant plusieurs espèces de baleines menacées, dans un écosystème rare et d’importance mondiale.
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Rorquals à bosse dans la zone marine du Grand Ours (c) WWF-Canada
Imaginez du bitume dilué se répandant sur des centaines de kilomètres de rivage jusqu’au fond des baies et des fjords, semant la mort au sein d’espèces marines en voie de rétablissement comme le rorqual à bosse, chez les épaulards et les baleines, les oiseaux de mer et les précieux saumons.Cette côte unique au monde est aussi la terre ancestrale de peuples des Premières Nations qui y trouvent leur subsistance depuis des millénaires.Un tel désastre bouleverserait tous ceux qui dépendent de cet écosystème pour la pêche, le tourisme ou la mise sur pied d’une industrie émergente d’énergie océanique renouvelable.On a déjà vu ce qu’une catastrophe de ce genre, comme le naufrage de l’Exxon Valdez, peut faire : les dommages sont énormes et persistants. N’a-t-on rien appris de cette terrible leçon?
Qui plus est, il s’agit d’un risque ingérable. La notion de « technologie de classe mondiale » pour nettoyer un déversement en mer est un slogan publicitaire qui ne correspond pas à la réalité. Aucune technologie existante ne permet de recueillir AU MIEUX 5 % à 10 % du pétrole en mer. Seulement 8 % de ce qui a été déversé durant la tragédie de l’Exxon Valdez ont pu être nettoyés. Dans le golfe du Mexique, après l’explosion de la plateforme de forage, 5 % furent brûlés et 3 % furent dispersés par l’emploi de produits chimiques. Autant dire que tout ce qui a été déversé est encore au cœur d’un écosystème qui ne s’en est pas encore remis.
Kermode bear, Great Bear Rainforest, British Columbia, Canada
Un ours  » Esprit « , ours noir au pelage blanc pêchant le saumon dans la forêt du Grand Ours. (c) WWF-Canada
Enfin, ce que nous risquons de perdre de ce projet dépasse de loin ce que nous représentons à gagner. La zone marine du Grand Ours est non seulement un écosystème irremplaçable, elle est aussi le fondement d’une économie côtière durable qui prend en charge plus de 10 000 emplois au Canada à long terme. Un déversement de pétrole risque d’anéantir une économie bien réelle, fondée sur une gestion durable de l’environnement, au profit de quelques intérêts corporatifs pour assurer la sécurité énergétique d’autres pays.
Pour notre part, au WWF, nous entendons continuer notre travail pour conserver la région du Grand Ours. Nous allons continuer à faire participer les communautés locales, les gouvernements et les industries dans le but de créer des aires protégées et des plans de gestion intelligents pour zone marine du Grand Ours. Un objectif qui est maintenant plus important que jamais. Ce n’est pas le moment d’abandonner ou de perdre espoir. Au contraire, il est temps de redoubler d’efforts, et de se rappeler pourquoi nous menons cette bataille : pour un avenir où les gens vivent en harmonie avec la nature. Cet avenir mérite qu’on poursuive la bataille.