Voici Britney, la tortue des bois

La tortue est à l’honneur tous les mardis du mois de juillet, la période idéale pour parler des tortues qui, comme nous, profitent du beau temps pour prendre un peu de soleil et se rafraîchir dans nos cours d’eau. Cette semaine, Courtney Smith de l’Alliance du bassin versant Petitcodiac, une des récipiendaires du Fonds Loblaw pour l’eau, nous raconte sa découverte d’une tortue des bois au Nouveau-Brunswick.
Courtney Smith, chef de projet, Alliance du bassin versant Petitcodiac
L’Alliance du bassin versant Petitcodiac est très heureuse de mener la toute première étude sur la tortue des bois dans ce bassin versant du sud-est du Nouveau-Brunswick. Ce reptile venu du fonds des âges figure sur la liste des espèces menacées en vertu de la Loi sur les espèces en péril du Canada, et il est donc extrêmement important que nous localisions les habitats qui lui restent et que nous éliminions les menaces qui pèsent sur l’espèce afin d’en assurer la protection.
Nous avons rencontré Britney par un bel après-midi ensoleillé du début du mois de juin.

Britney la tortue des bois (c) Petitcodiac Watershed Alliance
Britney la tortue des bois (c) Petitcodiac Watershed Alliance

Nous suivions, le long de la berge, le courant de la rivière lorsque nous avons remarqué une île de bonne taille et bien herbue, l’endroit idéal pour une tortue en mal de bain de soleil. Lors de nos promenades, nous avons toujours cette question en tête : si j’étais une tortue, où voudrais-je être en ce moment? Quand nous avons vu cette île, nous savions que nous avions trouvé un petit paradis pour tortues. J’ai avancé doucement en faisant attention où je mettais les pieds pour ne pas écraser les alevins en eau peu profonde. J’avais le cœur qui battait très fort à la perspective de ce que j’allais découvrir.
J’ai parcouru l’endroit quelques minutes, cherchant des yeux quelque chose d’orangé. Après un moment, je me suis arrêtée et je suis restée immobile, l’oreille tendue afin de percevoir le moindre mouvement. Et puis je l’ai vue! Bien installée sur des rochers, madame prenait un bain de soleil, parfaitement immobile, parfaitement en harmonie avec son environnement. D’après les anneaux de croissance que nous avons comptés sur ses scutelles, nous avons estimé qu’il s’agissait d’une tortue d’environ 15 ans, ce qui est relativement jeune pour une tortue. C’est pour ça qu’on l’a appelée Britney, une ado comme elle!
Britney s’est débattue lorsque nous l’avons manipulée pour la peser et la mesurer, sifflant et crachant pour nous impressionner. Une fois les mesures prises, nous l’avons reposée à l’endroit précis où nous l’avions trouvée, et nous l’avons même replacée dans la même direction. La rencontre avec une espèce vieille de 200 millions d’années, ça inspire le respect, et c’est le cœur plein d’émotion que nous avons laissé Britney en paix sur son île.

On détermine l’âge de la tortue des bois en comptant les anneaux de croissance de ses scutelles, ces écailles qui forment la carapace. On estime que Britney a environ 15 ans. © Petitcodiac Watershed Alliance
On détermine l’âge de la tortue des bois en comptant les anneaux de croissance de ses scutelles, ces écailles qui forment la carapace. On estime que Britney a environ 15 ans. © Petitcodiac Watershed Alliance

La tortue des bois (Glyptimus insculpta) est une espèce d’eau douce, mais elle peut parcourir des centaines de mètres sur la terre ferme pour regagner, l’hiver terminé, le site où elle fera son nid, année après année. À la naissance, la minuscule petite tortue doit entreprendre sans tarder le périple qui la ramènera à l’eau. Périple dangereux s’il en est, car la petite tortue risque de croiser diverses menaces : routes, tondeuses et prédateurs représentent un défi quotidien pour cette créature à la démarche et à la croissance bien lentes.
La tortue des bois n’atteint la maturité sexuelle qu’entre l’âge de 14 et 20 ans. Entretemps, elle est menacée par des prédateurs naturels et par l’homme, dont l’activité – notamment une urbanisation croissante – détruit l’habitat. Plus particulièrement, l’agriculture – et la saison des foins – représente une menace énorme. En effet, la tortue des bois aime bien prendre un bain de soleil au milieu d’un champ et manger des limaces bien juteuses dans l’herbe, mais elle en paye le prix – un pied, une queue, voire la vie – sous la lame des tondeuses. Les agriculteurs peuvent aider la tortue en coupant moins ras – un minimum de 10 cm – et éviter ainsi de la blesser ou de la tuer.
Comme la tortue des bois aime bien se cacher et chercher de bonnes petites choses à manger le long des berges des ruisseaux, elle risque également de se faire enterrer par les agriculteurs qui creusent les berges pour irriguer leurs champs. Les accidents et mortalités sur les routes sont nombreux et contribuent au déclin de l’espèce, tout comme le fait de les sortir de leur habitat pour en faire un animal de compagnie – ce qu’elle n’est pas!
Nous les humains, nous sommes responsables du statut d’espèce menacée de la tortue des bois. Responsables, mais capables de changer les choses. Il suffit de prendre conscience du problème, de réfléchir aux gestes que nous posons et de faire attention et, tous ensemble, nous pouvons assurer la protection de la tortue des bois afin que toutes les tortues – jeunes et moins jeunes – se rendent à maturité, et continuent de se reproduire et d’arpenter notre planète pendant de nombreuses générations à venir.