Après six Bilans de santé des cours d’eau, comment se porte le bassin du fleuve Mackenzie?

Écrit par Sophie Taddeo, Analyste au programme Eau douce, WWF-Canada
Avec sa superficie de 1,8 million de kilomètres carrés, le bassin versant du fleuve Mackenzie est un des dix plus grands réseaux hydrographiques au monde. Le Mackenzie a une grande influence sur la circulation océanique de la planète ainsi que sur les systèmes climatiques de l’Arctique. Son importance écologique, culturelle et économique pour les Canadiens est incontestable: non seulement le bassin draine-t-il 20% de l’ensemble des terres émergées du Canada, mais il est habité par plus de 1% de la population du pays, dont plusieurs peuples autochtones. Le réseau hydrographique du Mackenzie regroupe six sous-bassins : celui du fleuve lui-même et ceux du Grand lac des Esclaves et des rivières Peel, Liard, de la Paix et Athabasca; il s’étend également sur six territoires et provinces, soit le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, la Colombie-Britannique, l’Alberta et le Manitoba!

Vue aérienne du fleuve Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest, au Canada. ©Monte Hummel, WWF-Canada
Vue aérienne du fleuve Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest, au Canada. ©Monte Hummel, WWF-Canada

Malheureusement, ce trésor naturel est aujourd’hui menacé de plusieurs façons. L’exploitation des sables bitumineux, l’intérêt croissant que présente le développement dans le Grand Nord et les changements climatiques sont autant de facteurs qui risquent d’altérer la qualité et la quantité d’eau qui s’y écoule, avec les conséquences que l’on imagine pour les nombreuses espèces et collectivités qui en dépendent. Il est donc primordial de bien connaître et comprendre l’état de santé de cette composante essentielle des réserves d’eau douce de notre pays.
Les experts du WWF-Canada ont consacré d’innombrables heures, en collaboration avec les principaux spécialistes et intervenants de la région, à rassembler des données de sources diverses afin de dresser un portrait précis et rigoureux de la santé des eaux du bassin du fleuve Mackenzie. Nous avons eu l’immense privilège d’obtenir l’aide de plusieurs organisations qui accomplissent un fabuleux travail sur le terrain, notamment des ministères et services fédéraux et provinciaux, ainsi que des gouvernements autochtones, avec l’appui de la Walter & Duncan Gordon Foundation. Et après toutes ces heures de collecte, de compilation et d’analyse de données, qu’avons-nous trouvé? Que nous avons besoin d’encore plus de données!
En fait, comme le démontre la carte ci-dessous, nous n’avons pas réussi à recueillir assez de données pour produire un score fiable dans la moitié des sous-bassins du réseau hydrographique du fleuve Mackenzie. Mais certains résultats intéressants émergent quand même de notre évaluation.

Distribution des scores globaux de santé par sous-bassin du réseau hydrographique du fleuve Mackenzie.
Distribution des scores globaux de santé par sous-bassin du réseau hydrographique du fleuve Mackenzie.

Premièrement, nous avons découvert que les débits d’eau ont été considérablement altérés dans toute la région. Dans le sud du réseau, les cycles naturels des cours d’eau ont été modifiés, souvent par des barrages. Dans le nord, la quantité annuelle d’eau que le bassin déverse dans l’océan Arctique a augmenté notablement, tandis que l’altération des régimes mensuels de débit contribue à la faiblesse des scores. Ces derniers résultats peuvent témoigner de l’impact des changements climatiques sur la fonte du pergélisol, mais des recherches plus approfondies doivent être menées pour explorer cette hypothèse.

Répartition des scores de mesure du débit de l’eau dans le réseau du fleuve Mackenzie.
Répartition des scores de mesure du débit de l’eau dans le réseau du fleuve Mackenzie.

Nous avons été heureux de constater qu’une faible proportion seulement des échantillons d’eau analysés ne répondait pas aux critères de qualité provinciaux et fédéraux. Ces résultats encourageants tendent à indiquer que la qualité de l’eau est en général assez bonne dans la région. Alors que certains secteurs sont couverts par des programmes élaborés de surveillance de l’eau, cependant, d’autres ont été plutôt négligés ces dernières années, ce qui rend ardue la tâche d’évaluer précisément leur état de santé.
Nous nous sommes heurtés aux mêmes difficultés quand est venu le temps d’examiner les populations de poissons et d’invertébrés dans le bassin. Là où des données existaient, ces populations étaient en général saines, sauf dans le bassin inférieur de la rivière Athabasca. Par ailleurs, un certain nombre de sous-bassins du secteur nord du réseau hydrographique ne répondaient pas à nos exigences en matière de données sur les poissons et les invertébrés.
Heureusement, plusieurs initiatives de restauration et de surveillance ont été entreprises par des organisations et groupes de citoyens motivés dans l’ensemble du bassin du Mackenzie. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, par exemple, a récemment lancé un programme ambitieux de suivi communautaire où les populations locales participent activement à la surveillance des ressources hydriques de leur secteur. Nous espérons que grâce aux efforts prometteurs de ce genre, nous pourrons mieux cerner l’état de santé du fleuve Mackenzie et de son réseau hydrographique d’ici quelques années.