Un Arctique, un avenir… un déversement?

Les Inuvialuits de l’ouest de l’Arctique canadien et les Inupiats du nord de l’Alaska sont fortement liés par leur culture commune qui s’articule en grande partie autour de leur dépendance envers les animaux de la mer de Beaufort et de l’intendance de ces espèces. S’ils partagent un même écosystème, ils sont aussi menacés par les risques d’un éventuel déversement d’hydrocarbures dans la mer de Beaufort.
Le WWF-Canada vient de publier une étude scientifique approfondie à ce sujet, et a mis en ligne un site Web interactif (en anglais seulement) illustrant la modélisation de divers scénarios de déversement dans la mer de Beaufort. Ceci afin de permettre aux populations nordiques et à tous les intéressés de voir l’ampleur d’un déversement dans cette mer.

La mer de Beaufort en juin, vue d’un satellite, est couverte de glace à partir de l’Alaska, à gauche, jusqu’aux Territoires du Nord-Ouest, à droite ©Jeff Schmaltz/ NOAA
La mer de Beaufort en juin, vue d’un satellite, est couverte de glace à partir de l’Alaska, à gauche, jusqu’aux Territoires du Nord-Ouest, à droite ©Jeff Schmaltz/ NOAA

À la fin de juillet, des Inuits de toutes les régions circumpolaires étaient à Inuvik (T.N.-O.) pour participer à l’assemblée générale du Conseil circumpolaire inuit (ICC). La conférence avait pour thème « Ukiuqtaqtumi Hivuniptingun – Un Arctique, un avenir ». J’ai eu le privilège d’assister à quelques séances et cela m’a inspiré de voir tous ces Inuits parler avec ferveur d’autodétermination, de résilience culturelle, d’économie et de bien-être! Deux éléments fondamentaux ont été notamment abordés : le respect et la responsabilité.
Le respect est celui que méritent les communautés inuites, si résilientes, qui vivent dans l’Arctique depuis des millénaires et assurent l’intendance de leurs terres, de leurs eaux et de leurs banquises.
La responsabilité est celle de s’assurer que le développement se fasse de manière durable, et que les risques qu’encourent les communautés et l’environnement soient bien compris et limités.

Un kingalik (eider à tête grise) s’apprête à se poser sur la mer, entre les glaces, au sud de Sachs Harbour, T.N.-O. ©Dan Slavik/WWF-Canada
Un kingalik (eider à tête grise) s’apprête à se poser sur la mer, entre les glaces, au sud de Sachs Harbour, T.N.-O. ©Dan Slavik/WWF-Canada

Les communautés de l’Arctique ont besoin de développement économique, mais pas à n’importe quel prix. Les participants à l’assemblée se sont montrés très clairs à ce sujet : ils veulent un développement durable qui reflète leurs valeurs et dont ils gèrent le rythme. Comme ils l’ont exprimé dans A Circumpolar Inuit Declaration on Resource Development Principles in Inuit Nunaat 2011 (en anglais, danois, russe et groenlandais), des communautés et des familles en santé ont besoin d’un environnement sain et d’une économie en santé.
Cependant, avec la possibilité bien réelle d’augmentation de la navigation et de l’exploration pétrolière et gazière dans la mer de Beaufort, le risque de déversement d’hydrocarbures est toujours présent. Lors de l’Enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie, dans les années 1980, un aîné inuvialuit a déclaré à la Commission Berger :
« Un déversement de pétrole dans ces glaces mouvantes, là où ils ne peuvent le contrôler, ce serait la fin des phoques. Je pense que ce n’est pas seulement cette partie du monde qui en souffrirait, si   l’océan était fini. Je pense que tous [les Esquimaux] de l’Alaska jusqu’à l’est de l’Arctique en souffriraient, parce que ce pétrole… va tuer les poissons. Et ces poissons ne restent pas là, ils vont partout. C’est la même chose pour les phoques, pour les ours polaires, ils se promènent partout. S’ils viennent ici et se retrouvent couverts de pétrole, ils sont finis. »
En réalisant ce travail scientifique de modélisation des scénarios de déversement, nous voulons informer les habitants du Grand Nord et les décideurs au sujet des risques des déversements potentiels, qu’il soient petits ou grands. Nous souhaitons aussi mieux comprendre l’étalement d’éventuelles nappes et leurs effets sur les communautés, l’environnement et les espèces de la mer de Beaufort. Je vous invite à prendre connaissance des résultats en visitant notre site (en anglais seulement) arcticspills.wwf.ca.

Le soleil se couche pour la première fois de l’été sur la rive de la baie Darnley, près de Paulatuk, T.N.-O., tandis qu’un chasseur rentre au campement après avoir pêché. ©Dan Slavik - WWF-Canada
Le soleil se couche pour la première fois de l’été sur la rive de la baie Darnley, près de Paulatuk, T.N.-O., tandis qu’un chasseur rentre au campement après avoir pêché. ©Dan Slavik – WWF-Canada

Ces derniers mois, les services de gestion de l’environnement des Inuvialuits m’ont aidé à mettre au point cette étude. Nous avons déjà commencé à en présenter les résultats aux organisations de cogestion des ressources et, au cours des prochaines semaines, nous allons poursuivre notre tournée des communautés côtières afin de leur livrer en personne ces informations. Ces gens doivent absolument participer en pleine connaissance de cause aux processus décisionnels concernant les activités se déroulant sur leurs terres et dans leurs eaux. Vous pourrez me suivre au fil des blogues, alors que je partagerai des photos et des histoires, ainsi que des commentaires de gens que j’aurai rencontrés dans les communautés visitées et avec lesquels j’espère collaborer pour assurer un avenir durable au magnifique Arctique.

La banquise au printemps, vue de Point Barrow en Alaska : à l’horizon, des Inupiats longent le bord de la glace en motoneige pour y chasser des mammifères marins. © Dan Slavik / WWF-Canada
La banquise au printemps, vue de Point Barrow en Alaska : à l’horizon, des Inupiats longent le bord de la glace en motoneige pour y chasser des mammifères marins. © Dan Slavik / WWF-Canada