Vers un transport maritime responsable dans le passage du Nord-Ouest

Pendant des siècles, l’Arctique a été pour une bonne part épargné par les changements se produisant dans les régions plus tempérées du globe, mais ce n’est plus le cas. Ces dernières semaines, un navire de la société canadienne Fednav, chef de file mondial du transport maritime dans l’Arctique, a traversé le passage du Nord-Ouest, un exploit longtemps jugé impossible. Ce périple pourrait marquer le début d’une escalade des conflits entre la nature, les collectivités et le développement.

La houle du détroit d’Hudson, au Canada, vue d’un bateau croisant au large. © Zoe Caron / WWF-Canada
La houle du détroit d’Hudson, au Canada, vue d’un bateau croisant au large. © Zoe Caron / WWF-Canada

Selon les observateurs, les activités minières sont, de loin, le plus important moteur du développement de l’Arctique canadien, donc du transport maritime dans cette région. Une intensification de l’exploitation minière se traduira inévitablement par un trafic maritime accru. Par exemple, la mine de fer de Mary River, sur la terre de Baffin, entraînera, une fois en pleine exploitation, une augmentation notable du nombre de navires passant par le détroit d’Hudson. Les projections ne dépeignent pas, toutefois, une explosion subite du transport maritime associé aux activités minières : la croissance sera sans doute progressive, mais constante, au cours des 10 prochaines années.
La prudence s’impose, cependant. L’Arctique demeure un milieu difficile qui pose plusieurs défis à la navigation. L’époque de Franklin et de son expédition à la recherche de ce fameux passage du Nord-Ouest est révolue depuis longtemps, mais les risques sont toujours là. Même si la banquise a beaucoup diminué le long de ce passage, diverses conditions, plutôt complexes, continuent de défier les navigateurs : blocs de glace et icebergs, fluctuations rapides de la banquise, brouillard, froid, longues nuits d’hiver, voies de navigation parfois étroites, souvent encombrées et difficiles à naviguer. Ajoutez à ces difficultés le fait qu’à peine 10 % des voies navigables de l’Arctique ont été cartographiées suivant les critères reconnus aujourd’hui, et vous avez un cocktail de dangers que seul un marin chevronné, spécialement formé à ces mers, pourrait – et devrait – affronter.

Un banc de brouillard surplombe la banquise et masque la côte, ne laissant voir que les sommets qui dominent le fjord d’Alexandra, au nord-est de l’île d’Ellesmere au Nunavut, Canada.
 © Lee NARRAWAY / WWF-Canada
Un banc de brouillard surplombe la banquise et masque la côte, ne laissant voir que les sommets qui dominent le fjord d’Alexandra, au nord-est de l’île d’Ellesmere au Nunavut, Canada.
 © Lee NARRAWAY / WWF-Canada

Une gestion responsable et prudente s’avère essentielle, non seulement pour l’environnement du Grand Nord, mais aussi pour sa population. Plus de 100 000 personnes vivent, travaillent et prospèrent dans l’Arctique canadien à longueur d’année. Il existe 25 communautés au Nunavut seulement, et l’interaction entre la mer et la terre est étroitement liée à leur mode de vie, surtout chez les Inuits qui chassent et pêchent sur cette mer qui est leur garde-manger.
Pas facile de gérer de façon durable tous ces facteurs exigeants particuliers à la région. Mais une des clés de cette gestion responsable réside dans l’établissement d’un bon leadership. Le WWF-Canada encourage ce genre de gouvernance éclairée chez nul autre que notre partenaire, l’armateur Fednav. La traversée du passage du Nord-Ouest par le vaisseau Nunavik – qu’a rendue possible la fonte des glaces engendrée par les changements climatiques – s’est révélée une occasion exceptionnelle de hausser la barre en matière de navigation sécuritaire et responsable dans l’Arctique.
Lors des étapes de planification du périple, Fednav a fait appel au WWF-Canada pour savoir comment réduire l’impact du Nunavik sur l’environnement arctique durant sa traversée. Grâce à nos conseils, l’armateur s’est engagé à tenir compte des zones d’intérêt écologique et biologique, à respecter les directives d’Environnement Canada relatives aux impacts sur les oiseaux marins, et à consulter les cartes de migration des cétacés (en anglais) du Fonds mondial pour la nature (WWF) afin d’éclairer les décisions d’itinéraire du capitaine au jour le jour.

Une baleine boréale (Balaena mysticetus) plonge dans la baie d’Isabella, au Nunavut, Canada © Tim Stewart / WWF-Canada
Une baleine boréale (Balaena mysticetus) plonge dans la baie d’Isabella, au Nunavut, Canada © Tim Stewart / WWF-Canada

Nous espérons que ces premiers engagements d’une grande société de transport maritime, ainsi que ces mesures préliminaires, nous aideront à mieux comprendre comment naviguer en toute sécurité et de manière responsable dans l’Arctique. Nous souhaitons que cette approche durable soit adoptée par Fednav dans l’ensemble de ses activités et que son exemple de leadership établisse un seuil de gouvernance responsable pour tout développement dans l’Arctique.
Le récent voyage du Nunavik a été une grande première, non seulement pour la livraison de marchandises tout au long du passage du Nord-Ouest, mais aussi pour la planification d’itinéraires tenant compte d’habitats importants et de zones fragiles. Ce ne sont encore que les premiers pas pour Fednav et ce genre de planification des usages maritimes (site en anglais seulement), mais le précédent est maintenant établi.