Climat : nos élus sont déconnectés de la réalité

L’inaction de nos gouvernements pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre témoigne d’une profonde déconnexion de la réalité climatique. Pire, leurs actions présentes risquent de nous enfermer dans une logique passéiste et dangereuse d’une économie dopée aux énergies fossiles. C’est mauvais pour notre santé et celle de la planète, et c’est aussi mauvais pour notre économie. Mais il semble qu’ici, nos leaders aient tendance à sacrifier l’avenir au profit de gains politiques à courte vue.
Consensus, voir unanimité scientifique
Cette semaine, à Copenhague, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié le dernier volume de son cinquième rapport d’évaluation (AR5). Le rapport représente sept années de travail de plus d’un millier de scientifiques dans 160 pays.
Réglons tout de suite une chose : il n’y a pas de doute chez les scientifiques!
Ce rapport a été rédigé par plus de 900 scientifiques du climat de la planète et approuvé par les 195 gouvernements membres du GIEC. Il démontre clairement qu’entre l’ère préindustrielle et 2013, les concentrations de CO2 dans l’atmosphère ont augmenté de 142 %. En fait, les concentrations de GES dans l’atmosphère ont atteint les niveaux les plus élevés « depuis 800 000 ans ». Le réchauffement des températures globales est maintenant une certitude, comme l’est le fait que les émissions de CO2 engendrées par les activités humaines sont à l’origine de ce réchauffement.

Oil sands, Alberta, Canada
Sables bitumineux, Alberta, Canada.

Le rapport expose aussi clairement ce qui nous pend au bout du nez si nous n’agissions pas et comment ces bouleversements climatiques affectent nos vies:

  • Des températures extrêmes, des inondations dues au niveau plus élevé des océans, lui-même du à la fonte de la calotte polaire;
  • Des sécheresses qui feront pâtir notre agriculture;
  • Une économie minée par les catastrophes naturelles.

Et les prédictions sont maintenant réalité. Le rapport du GIEC nous dit que le changement climatique affecte déjà les gens et la nature, partout. L’acidification des océans, l’élévation du niveau de la mer, les vagues de chaleur et de profonds changements dans l’Arctique témoignent déjà d’une nouvelle réalité climatique. Il nous dit que nous en sommes la cause, et que notre dépendance aux combustibles fossiles est la source écrasante de la pollution qui est en train de changer notre climat.
Le rapport ne se contente pas de détailler les effets désastreux d’un climat instable, il énonce en outre un chemin clair vers un avenir plus propre, plus sûr ET plus prospère :
1) Nous avons les moyens de lutter contre le changement climatique. Et ces actions n’auront pas pour effet de paralyser les économies ou d’arrêter le développement — au contraire. Ce qui est clair c’est que l’inaction nous fera payer un prix bien plus élevé.
2) Il n’est pas trop tard pour éviter un changement climatique catastrophique. Une action rapide et décisive pour sortir des combustibles fossiles, en particulier, peut maintenir la hausse des températures mondiales sous la barre des 2 degrés Celsius, ce qui est le seuil indiqué par la science pour éviter les pires conséquences du réchauffement.
3) Nous devons accepter l’existence d’un budget de carbone — une limite des gaz à effet de serre que nous pouvons émettre — et nous en avons déjà utilisé la majeure partie.
4) L’adaptation au changement climatique est aussi essentielle, mais il y a des limites nettes à cette dernière.
5) Agir pour réduire les émissions et nous adapter est une question d’équité et de justice. Si nous n’agissons pas dès maintenant, nous compromettons les moyens de subsistance des plus pauvres et des générations futures. Nous léguons en fait à nos enfants un défi insurmontable.
Pendant ce temps, le Québec
Le Québec semble nager en plein paradoxe : d’un côté, on se targue d’être parmi les chefs de file en créant une bourse du carbone et en misant sur l’électrification des véhicules personnels. De l’autre, on se plaît à rêver de pétrodollars qui pourraient relancer notre économie et financer nos services publics. Qui plus est, on nous dit même qu’en vertu du principe de péréquation, le Québec devrait accepter benoîtement le passage du projet Énergie Est sur son territoire. À l’échelle du globe, il n’y a pas que l’habitat des bélugas qui soit mis en péril par un projet de développement des énergies fossiles. Voyez les emblèmes de la biodiversité qui sont, à l’instar de Cacouna, menacés par des projets similaires (en anglais). Ces projets ont tous en commun d’être menaçant pour l’environnement immédiat et d’accroître le réchauffement climatique.
Nous ne pourrions pas survivre sans pétrole, charbon et gaz, n’est-ce pas?
Faux. Les sources d’énergie renouvelable sont une alternative viable et rentable. Les nouveaux investissements dans les énergies renouvelables ont dépassé le pétrole, le charbon et le gaz pour la première fois dans l’histoire l’année dernière. Le temps des énergies fossiles accessibles à bon marché et révolu. L’humanité consomme de plus en plus d’énergie et nous ne pouvons perdurer dans la même voie. En utilisant des projections réalistes, on peut affirmer que les technologies existantes pourraient fournir toute l’énergie dont la planète a besoin d’ici 2050.

A windfarm in Workington, Cumbria, UK
Parc éolien à Workington, comté de Cumbria, Royaume-Uni. © Global Warming Images / WWF-Canon

Qui plus est, le développement les projets de développement des énergies fossiles nous enferment dans une logique qui sera extrêmement dommageable pour notre économie!
Signe que l’avenir est aux énergies propres, plusieurs fonds d’investissement désinvestissent des énergies fossiles pour investir dans les énergies renouvelables. En niant la réalité climatique et les cris des citoyens qui réclament de leurs dirigeants une vision d’avenir respectueuse de la science et de l’environnement, ceux qui nous entraînent tête baissée dans le projet Énergie Est, par exemple, risquent de nuire à notre prospérité. Les compagnies qui opèrent les sables bitumineux en Alberta ont perdu pas moins de 17 milliards $ en raison de levées de boucliers des groupes environnementaux et des citoyens. Devant l’absence d’acceptabilité sociale des projets d’oléoducs et d’expansion des sables bitumineux, l’entêtement des pétrolières et des gouvernements qui appuient ces projets apparaît déraisonnable et déconnecté.
Oui, il est possible d’agir contre les changements climatiques sans altérer la croissance et même en stimulant l’économie et la création d’emplois. Il faut maintenant que nos gouvernements entendent raison et agissent en consequence.