Bélugas du Saint-Laurent : pour en finir avec le projet de port pétrolier

Les bélugas du Saint-Laurent et tous les citoyens qui se sont ralliés depuis des mois pour leur protection contre un projet de port pétrolier dans l’estuaire peuvent souffler un peu. Cette semaine, le Comité sur la situation des espèces en péril du Canada (COSEPAC) a rendu publique une recommandation à l’effet de modifier le statut du béluga, le faisant ainsi passer d’ « espèce menacée » à « espèce en voie de disparition ». Cela a fait dire au premier ministre Philippe Couillard que le promoteur du projet, la compagnie TransCanada, devrait maintenant se tourner vers des sites alternatifs pour la construction d’un port pétrolier pour acheminer le pétrole des sables bitumineux vers les marchés extérieurs.
Ce développement couronne des mois de mobilisation et de lutte contre le projet. Citoyens, commentateurs et groupes environnementaux ont vertement critiqué le choix de Cacouna par TransCanada. La décision de construire un terminal pétrolier, comme partie intégrante du projet d’oléoduc Énergie Est, à cet endroit précis est contraire à la science disponible sur la conservation du béluga. Cette région de l’estuaire du Saint-Laurent est en effet le lieu de rassemblement des femelles bélugas et de leurs petits tout au long de la belle saison. Cet habitat est donc essentiel à la survie de l’espèce.

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Bélugas du Saint-Laurent © GREMM

En septembre dernier, le WWF a soutenu une action en justice initiée par Nature Québec, la Fondation David Suzuki et la Société pour la nature et les parcs du Canada, et menée par le Centre québécois du droit de l’environnement. S’ensuivit un jugement de la Cour supérieure ordonnant la suspension des forages exploratoires alors effectués par TransCanada et autorisés tant par Ottawa que par Québec. La cour a annulé cette autorisation, jugeant que le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques avait autorisé les forages sans avoir obtenu les réponses qu’il désirait de la part de Pêches et Océans Canada. La cour avait ainsi critiqué très sévèrement l’analyse incomplète qu’avait faite le ministre et les travaux ont donc été suspendus jusqu’au 15 octobre.
Par la suite, TransCanada n’a pas pu reprendre les forages, car l’analyse des tests de bruit réalisés pendant les forages a démontré que la compagnie ne respectait pas le plafond de 120 décibels prévu au certificat d’autorisation. Ainsi, le gouvernement du Québec a rappelé la compagnie à l’ordre et exigé qu’elle lui soumette un nouveau plan de travail qui lui permettrait de se conformer aux conditions relatives au niveau de bruit subaquatique.
Or, la compagnie ne s’est pas conformée à cette exigence avant l’expiration du certificat d’autorisation, le 30 novembre. Ainsi, TransCanada n’a jamais repris ses forages.
La science triomphe, mais les décideurs écoutent-ils?
La réévaluation du statut du béluga du Saint-Laurent n’est pas une surprise pour les experts qui s’intéressent à la question. Il s’agit de la population de bélugas la plus étudiée dans le monde. Les nombreuses recherches menées sur cette population par des scientifiques de haut niveau depuis trois décennies ont permis d’inscrire un important programme de rétablissement du béluga au registre public de la Loi sur les espèces en péril. Mais malgré tous les efforts consentis, on note un déclin de la population de bélugas du Saint-Laurent depuis quelques années. On ne dénombre aujourd’hui que quelque 900 individus.

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Béluga du Saint-Laurent © GREMM

Or, malgré tout cela, le gouvernement du Canada a failli à son obligation légale en vertu de la Loi sur les espèces en péril, en omettant de désigner officiellement, par décret, et de protéger l’estuaire du Saint-Laurent à titre d’habitat essentiel du béluga! C’est d’ailleurs ce manquement qui a permis à TransCanada d’obtenir l’autorisation de commencer des travaux à Cacouna. Imaginez le temps et l’énergie que nous aurions pu épargner si cette procédure avait été respectée. Espérons maintenant qu’avec son statut d’espèce « en voie de disparition », le béluga aura droit à la reconnaissance formelle de son habitat essentiel.
Depuis 15 ans, Pêches et Océans Canada étudie d’ailleurs la possibilité de créer une zone de protection marine (ZPM) sur une portion du territoire de l’estuaire couvrant de près de 6000 km2, incluant la région de Rivière-du-Loup, de Cacouna et de L’Isle-Verte. Cette zone, la première au Québec, viserait la protection de l’habitat du béluga du Saint-Laurent et la protection des autres mammifères marins fréquentant le territoire.
À la lumière des nouvelles circonstances, il semble que la création de cette ZPM serait maintenant tout à fait appropriée et nous espérons que le gouvernement agira promptement en ce sens.
Quel avenir pour le béluga?
Une fois constaté le déclin du béluga du Saint-Laurent, que pouvons-nous faire pour aider cette espèce à survivre? C’est la question à laquelle nous voulons maintenant répondre. Plusieurs hypothèses sont mises de l’avant: conditions hivernales sous-optimales ou changement climatique affectant les sources de nourriture, par exemple. Le WWF s’associe au Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) pour financer un projet de recherche pour essayer de trouver réponse à ces questions, dans l’espoir de mieux protéger cette espèce formidable et unique.
Aidez-nous à poursuivre notre travail pour protéger nos espèces emblématiques comme le béluga et la nature dont ils dépendent.