L’ours polaire, roi menacé d’un Arctique en mutation

En novembre dernier, je suis allé dans le Sud pour voir des ours polaires.
Je vis dans le Nord, mais les ours polaires ne font pas partie de mon quotidien. J’habite à Iqaluit, la capitale et plus grande agglomération du Nunavut, où j’ai bien plus d’occasions de voir des chiens de traîneau et des phoques que des ours blancs. Pour nombre de mes amis qui vivent dans d’autres communautés, cependant, l’ours polaire est non seulement bien présent dans leur vie, mais il représente parfois une réelle menace.

Un ours mâle parcourant la toundra près de Churchill, au Manitoba © Gerald Allain / WWF-Canada
Un ours mâle parcourant la toundra près de Churchill, au Manitoba © Gerald Allain / WWF-Canada

La réalité, c’est que les ours passent de moins en moins de temps sur la banquise – pas par choix, bien sûr – et que de plus en plus de gens dans le Nunavut et à travers l’Arctique doivent maintenant vivre avec la présence d’ours polaires en quête de nourriture à proximité des villages. J’ai eu la chance de les observer en toute sécurité de l’intérieur d’un véhicule spécial et l’expérience a été vraiment extraordinaire, mais je voudrais pour rien au monde me retrouver nez à nez avec un ours blanc dans ma cour ou, pire encore, sur le seuil de ma porte. C’est pourtant ce que nombre d’habitants du Nord vivent aujourd’hui.
Le ministère de la Conservation du Manitoba a mis sur pied à Churchill un important programme de gestion des conflits entre humains et ours polaires, et on a investi beaucoup depuis des années dans ce programme afin d’assurer la sécurité des habitants et des ours polaires de la région. Malheureusement, peu de gouvernements ou d’organismes du Nord canadien ont les ressources pour implanter un tel programme.

Ourse avec ses deux oursons dans la neige, Churchill, Manitoba. © Frank Parhizgar / WWF-Canada
Ourse avec ses deux oursons dans la neige, Churchill, Manitoba. © Frank Parhizgar / WWF-Canada

Voilà pourquoi le WWF-Canada étudie des moyens de déployer encore davantage les efforts entrepris pour assurer la sécurité des populations humaines et des ours. Notre programme pilote mis sur pied dans le village d’Arviat – conçu et réalisé en partenariat avec le village et le gouvernement du Nunavut – s’est avéré très fructueux, et depuis trois ans on n’a abattu aucun ours dans un contexte défensif (c’est-à-dire un ours menaçant des personnes ou des biens essentiels). Ce succès, nous aimerions bien qu’il se répète ailleurs.
Des démarches ont déjà été entreprises pour étendre les efforts dans d’autres communautés. Ainsi l’automne dernier le gouvernement du Nunavut a offert pour une deuxième fois un cours de formation en contrôle des ours polaires, avec l’aide d’un manuel élaboré l’année précédente par le WWF-Canada, Parcs Canada et BearWISE. Cette formation offre aux membres des communautés isolées de l’Arctique la possibilité d’acquérir des moyens précis de contribuer à la sécurité de leur communauté tout en évitant de devoir abattre inutilement des ours polaires. La chasse à l’ours polaire fait bien sûr partie de la tradition culturelle et économique de nombreux Inuits, mais personne ne tient à ce que des ours soient tués par accident, ni à dépasser involontairement un quota de prises.
Il est probable que des programmes tels que ceux qui sont menés à Arviat et à Churchill se populariseront au cours des années à venir, car la banquise qui ne cesse de reculer rend de plus en plus difficile pour les ours de se nourrir. Au WWF-Canada, nous avons bien l’intention de faire tout en notre pouvoir pour assurer la sécurité des gens et des ours polaires dans un continent en mutation.