Le MaPP, un projet de bon augure pour la zone marine du Grand Ours

Le 27 avril 2015, la province de la Colombie-Britannique a signé une entente avec 18 Premières Nations côtières dont les territoires marins ancestraux couvrent 102 000 km2 du milieu marin de la Colombie-Britannique, ce qui représente une superficie de la taille de l’Islande. Cette région du Canada porte le nom de zone marine du Grand Ours, un endroit fabuleux où se marient une forêt pluviale tempérée et un océan foisonnant pour créer un habitat unique où se côtoient saumon, épaulards, grizzlis et une myriade d’autres espèces. La région constitue un véritable trésor national au chapitre de la biodiversité.

Les étoiles de mer (Asteroidea sp) accrochés aux rochers à la ligne de marée dans le chenal Douglas dans le Great Bear Rainforest, Colombie-Britannique, Canada. © Andrew S. Wright / WWF-Canada
Les étoiles de mer (Asteroidea sp) accrochées aux rochers à la ligne de marée dans le chenal Douglas dans la zone marine du Grand Ours, Colombie-Britannique, Canada. © Andrew S. Wright / WWF-Canada

L’entente de ce partenariat appelé Marine Planning Partnership (MaPP) (en anglais seulement) cristallise l’engagement à changer la manière de décider de l’usage de notre milieu marin. Ainsi, plutôt que de reposer sur une approche fragmentée – chaque secteur poursuivant son objectif propre indépendamment des autres secteurs – le projet du MaPP mise sur une approche concertée tenant compte des diverses utilisations de l’océan – de la pêche traditionnelle à la pêche commerciale et au tourisme, au trafic maritime et aux usages futurs que sous-tend le nécessaire virage vers les énergies renouvelables. Mais c’est surtout le principe fondamental du projet qui est intéressant : la protection de la biodiversité. Du point de vue du WWF-Canada, une telle approche de la gestion de l’océan est réellement emballante et mérite qu’on la reproduise le plus possible.
Cet engagement à emprunter une nouvelle voie ne date pas d’hier. En effet, il a été pris il y a près de 13 ans, au moment où La stratégie sur les océans du Canada (2002) brandissait la nécessité d’adopter une approche plus globale et intégrée. Le Plan d’action du Canada pour les océans qui a suivi a réitéré le besoin de nouvelle approche, soulignant que l’approche suivie a eu pour conséquence « d’affaiblir la santé des océans, y compris celle des stocks de poisson qui sont en déclin ou qui fluctuent de plus en plus, d’augmenter le nombre d’espèces marines en péril et d’espèces envahissantes, d’entraîner la perte d’habitat marin et de réduire la biodiversité ». Le gouvernement fédéral a réalisé certains progrès depuis pour remédier à cette triste situation, mais bien moins que dans d’autres parties du monde (en anglais seulement) où l’on a fait de grands pas en matière de planification des milieux marins.

Un groupe de baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) pêchant en créant des filets de bulles dans le Whale Channel, Colombie-Britannique, Canada © Tim Irvin / WWF-Canada
Un groupe de baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) pêchant en créant des filets de bulles dans le Whale Channel, Colombie-Britannique, Canada © Tim Irvin / WWF-Canada

Tout cela rend la démarche entreprise par les Premières Nations côtières et la province de la Colombie-Britannique encore plus louable. Le MaPP compte bien ne pas se contenter de beaux principes, mais bien mettre en place des mesures concrètes et des objectifs réalisables. Par exemple, le plan vise à doter les communautés côtières des moyens d’assurer une meilleure surveillance de l’état des océans, à déterminer les seuils à respecter dans la nature, et à limiter le volume et l’intensité des impacts liés aux activités qui risquent de dégrader l’écosystème marin. Le territoire de 102 000 km2 couvert par le plan a été catégorisé et zoné, ce qui aidera à baliser le processus décisionnel au sujet des divers usages compatibles ou non, et des objectifs les plus importants à réaliser. Cette démarche repose sur un processus de consultation d’une durée de 3 ans auprès de multiples secteurs concernés, y compris des groupes de conservation. Tout au long du processus, le MaPP s’est fondé sur l’expertise scientifique de même que sur le savoir traditionnel et local pour formuler ses recommandations.
Surtout, le MaPP reconnaît explicitement qu’un milieu marin en santé est indispensable à la vigueur des économies et à la résilience des collectivités qui y sont liées. Dans le jargon technique, c’est ce que l’on appelle la « gestion écosystémique », une manière de dire que la nature a ses limites et que l’on doit les respecter.

Estuaire de Khutze dans le cœur de la zone marine du Grand Ours, Colombie-Britannique, Canada © Andrew S. Wright / WWF-Canada
Estuaire de Khutze dans le cœur de la zone marine du Grand Ours, Colombie-Britannique, Canada © Andrew S. Wright / WWF-Canada

Voilà qui est un grand pas dans la bonne direction. Mais il y a encore beaucoup à faire. Les grands ministères fédéraux ayant autorité sur les activités marines telle que le trafic maritime et la pêche commerciale sont aux périphéries du MaPP. La kyrielle de plans de développement visant la côte nord de la Colombie-Britannique exerce une pression soutenue sur les gouvernements et favorise les décisions à courte vue. En outre, certains projets tels que l’oléoduc Northern Gateway de la société Enbridge refusent obstinément d’admettre que les risques qu’ils posent ne sont pas acceptables dans la région. Or grâce à la signature de l’entente du MaPP, la table est maintenant mise pour un changement de ton dans la gestion des ressources marines sur une grande superficie des côtes de la Colombie-Britannique. Le WWF-Canada compte bien poursuivre son action afin de contribuer à ce que le plein potentiel des plans du MaPP puisse être concrétisé. C’est ainsi que nous atteindrons notre but, de conserver le trésor écologique, culturel et économique que constitue la région du Grand Ours.
Souhaitons maintenant que nous saurons joindre le geste à la parole!