Calgary: Discussions sur le Grand Ours et le projet Northern Gateway

« Je vous le dis, les Premières Nations de la Côte Ouest n’approuveront jamais l’oléoduc Northern Gateway. » – Art Sterritt, directeur général, Coastal First Nations.
Récemment, Art Sterritt a reçu une impressionnante ovation debout après avoir déclaré devant public à Calgary que les Premières Nations de la Côte Ouest n’approuveraient jamais l’oléoduc Northern Gateway. La salle était remplie à capacité lors de cet événement organisé par la Alberta Wilderness Association, et le message était on ne peut plus clair : le public présent appuyait la position des Premières Nations et du WWF-Canada, à l’effet que l’oléoduc Northern Gateway ne devrait jamais voir le jour.

Art Sterritt, directeur général de Coastal First Nations, s’adresse au public lors des Calgary Talks, le 4 juin dernier. À gauche : David Miller, président et chef de la direction du WWF-Canada. © Candice Ward / WWF-Canada
Art Sterritt, directeur général de Coastal First Nations, s’adresse au public lors des Calgary Talks, le 4 juin dernier. À gauche : David Miller, président et chef de la direction du WWF-Canada. © Candice Ward / WWF-Canada

Je n’ai pas été particulièrement surpris par cela : j’ai déjà travaillé à Calgary – je construisais des routes pour payer mes études universitaires – et la famille de mon épouse vient d’un petit village près d’Edmonton. Je sais, par ma propre expérience, qu’il existe une grande diversité de points de vue sur l’exploitation des ressources naturelles en Alberta – comme ailleurs – ainsi qu’un fort mouvement en faveur de la conservation de la nature. À l’extérieur de la province, par contre, la seule voix albertaine qui est entendue par le reste du Canada est souvent celle d’une industrie pétrolière contrôlée à l’étranger. C’est pourquoi Art et moi nous sommes rendus à Calgary : pour montrer aux Albertains pourquoi ce projet d’oléoduc est si malavisé, et leur offrir tous les faits dont ils ont besoin pour en faire la démonstration aux autres.
La valeur de la région du Grand Ours
Le nord de la côte de la Colombie-Britannique est, depuis des milliers d’années, une région écologiquement, socialement et économiquement très riche. Elle n’a pas besoin d’un tel développement, elle qui génère déjà des industries durables dans la foresterie, la pêche, la chasse et le tourisme.
Selon Art Sterritt, c’est au cours des années 1980 que les résidents de cette région ont constaté que le développement industriel se déroulait à un rythme trop rapide. Les richesses actuelles et futures du secteur étaient dilapidées au nom des profits immédiats. C’est autour de ce constat que le militantisme des Premières Nations de la Colombie-Britannique a commencé.

Coucher du soleil sur le Matheson Channel, Forêt pluviale du Grand Ours, Colombie-Britannique. © Tim Irvin / WWF-Canada
Coucher du soleil sur le Matheson Channel, Forêt pluviale du Grand Ours, Colombie-Britannique. © Tim Irvin / WWF-Canada

Les résultats de ce mouvement de contestation incluent la protection de la forêt pluviale du Grand Ours, via un plan de gestion écosystémique d’ampleur globale, que le WWF a consacré Gift of the Earth en 2007 (en anglais), destiné à protéger la prospérité future de la région qu’ont endossé par les gouvernements fédéral et provincial, les Premières Nations et plusieurs organismes environnementaux. Plus récemment, un partenariat de planification marine pour la côte nord du Pacifique a été créé, un partenariat qui approfondit ce plan écosystémique en y incluant la planification océanique – et qui consacre donc la vision d’un seul grand écosystème intégré.
Ces deux plans innovateurs permettent les activités de développement économique dans la région, dans la mesure où ceux-ci respectent les limites de la nature et de la faune qui en dépend. Ils imposent aussi aux projets de développement de ne pas nuire aux activités économiques durables déjà présentes sur le territoire. La région du Grand Ours constitue un modèle, illustrant comment les gens peuvent vivre en harmonie avec la nature, tant économiquement qu’écologiquement.
Un risque incontrôlable
Le projet d’oléoduc Northern Gateway présente plusieurs défis sur le plan environnemental : déversements potentiels dans d’importants cours d’eau, menaces pour le caribou ou d’autres espèces en raison d’une croissance des prédateurs le long de la route linéaire de l’oléoduc, et d’autres menaces pour le saumon, tant par d’éventuelles fuites de bitume dilué que de déversement de navires pétroliers, comme le Exxon Valdez. En outre, grâce aux meilleures analyses scientifiques disponibles, nous savons qu’en cas de déversement, seulement une faible proportion du pétrole pourrait être récupérée. À n’en pas douter, de tels accidents constituent des risques réalistes. Il n’y a non plus aucun doute sur le fait qu’un déversement créerait une catastrophe écologique et économique pour le saumon, pour les espèces qui s’en nourrissent, ainsi que pour les gens dont le gagne-pain dépend de l’intégrité de la nature.
Au-delà d’un déversement
Les problèmes du projet Northern Gateway dépassent les risques de déversement pétrolier. La construction de l’oléoduc fragmentera encore davantage les habitats de multiples espèces et populations à travers l’Alberta et la Colombie-Britannique. Le WWF travaille à mesurer l’impact du trafic de pétroliers, qui est en croissance, et du bruit sous-marin qu’il cause dans le Douglas Channel. Des espèces menacées, dont la baleine à bosse, en subissent les effets.

Baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) à la surface du Douglas Channel, Colombie-Britannique. © Tim Irvin / WWF-Canada
Baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) à la surface du Douglas Channel, Colombie-Britannique. © Tim Irvin / WWF-Canada

Lorsque le projet Northern Gateway a été approuvé, c’était en toute connaissance de cause. On savait qu’il y aurait des impacts sur plusieurs espèces telles que les saumons, les baleines, les caribous ou encore les ours. La commission d’examen conjoint, sans se baser sur aucune preuve ou donnée scientifique, a conclu que ces risques étaient justifiés par les bénéfices économiques rattachés à la croissance de la production pétrolière. Cette absence de preuve a poussé 300 scientifiques éminents à dénoncer le rapport de la commission.
Bien entendu, en plus de tous les motifs s’opposant à cet oléoduc en particulier, nous ne pouvons pas oublier les raisons plus globales. Dans une ère où le changement climatique nous menace, la planète se détourne des combustibles fossiles et, pourtant, le Canada ne s’est toujours pas doté d’un plan pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Ce conflit évident a aussi été très bien compris par le public présent à Calgary – en effet, la première question posée fut : « Et qu’en est-il des changements climatiques? »
Le WWF-Canada s’est engagé à protéger cette région. Nous appuyons la science, nous appuyons la nature, et nous appuyons les Premières Nations côtières. La région du Grand Ours n’est pas un endroit pour construire un oléoduc, point barre.
3 citations clés d’Art Sterritt
« Le militantisme des Premières Nations de la Colombie-Britannique a commencé lorsque nous avons constaté que notre capital naturel était retiré à un rythme trop rapide. »
« Il n’existe encore aucune technologie nous permettant de nettoyer un déversement de pétrole. »
« Je vous le dis : les Premières Nations côtières n’approuveront jamais Northern Gateway. »