Sauvetage d’épaulard 101

Vers 8 h 30 mercredi dernier, j’étais à bord d’un bateau avec Hermann Meuter et Janie Wray du Cetacea Lab lorsqu’un appel d’urgence retentit à la radio, demandant de l’aide pour secourir un épaulard échoué.
Nous étions sur le chemin entre Hartley Bay et Gil Island, dans la région du Grand Ours en Colombie-Britannique, pour jeter un œil à un réseau d’hydrophones – fruit du travail du Cetacea Lab, de la Première Nation Gitga’at et du WWF. Mais notre journée a pris une tangente inattendue et j’ai pu être témoin du sauvetage d’une femelle épaulard de 3 tonnes, une expérience émotionnellement très intense.

Hermann Meuter, du Cetacea Lab, verse de l’eau sur l’épaulard échoué alors que Marvin Robinson, le chef du programme de surveillance Gitga’at Guardian Watchmen, observe la scène du haut d’un escarpement rocheux. © WWF-Canada / Chris Chaplin
Hermann Meuter, du Cetacea Lab, verse de l’eau sur l’épaulard échoué alors que Marvin Robinson, le chef du programme de surveillance Gitga’at Guardian Watchmen, observe la scène du haut d’un escarpement rocheux. © WWF-Canada / Chris Chaplin

Nous sommes arrivés en amont du Squally Channel, au sud de Hartley Bay, 45 minutes après que le chercheur Eric Keen, du Scripps Institute of Oceanography, ait envoyé l’appel d’urgence. Eric était dans la région pour faire des recherches sur les rorquals lorsqu’il a aperçu l’épaulard en détresse, incapable de s’échapper d’un amas de roches lorsque la marée est descendue. Il a ensuite été rejoint par des membres des Gitga’at Guardian Watchmen qui patrouillaient le secteur à bord de leur bateau, le Gitga’at Guardian.
Alors que nous nous approchions, la première chose que j’ai entendue était les cris absolument crève-cœur de cet épaulard en détresse. Ses vocalisations faisaient écho dans la petite baie, un cri sourd se terminant par un long râle grinçant. J’ai aussi remarqué quelques membres de son groupe qui se tenaient à courte distance, anxieux, en nageant autour de l’île alors que l’orque appelait à l’aide.
Nous avons rejoint le Gitga’at Guardian et le Bangarang, le navire de recherche d’Eric, qui avaient jeté l’ancre à environ 50 mètres de la baleine échouée. Elle était prise dans les rochers, où nous pensons qu’elle s’est probablement coincée en chassant le phoque avec son groupe. Après avoir évalué la situation, nous avons consulté John Ford et Paul Cottrell de Pêches et Océans Canada, rejoints par téléphone satellite, nous savions que nous devions agir rapidement pour garder la baleine au frais, humide et calme. L’urgence d’agir était amplifiée par le fait que la marée continuait de descendre, et la température, de monter.

Eric Keen du Scripps Institute of Oceanography et Hussein Alidina du WWF transfèrent une pompe manuelle à un bateau en attente. La pompe était utilisée pour asperger l’épaulard d’eau en tout temps. © WWF-Canada / Bettina Saier
Eric Keen du Scripps Institute of Oceanography et Hussein Alidina du WWF transfèrent une pompe manuelle à un bateau en attente. La pompe était utilisée pour asperger l’épaulard d’eau en tout temps. © WWF-Canada / Bettina Saier

Il était essentiel de garder le nombre d’êtres humains sur l’île au minimum. Ainsi, seuls Hermann et quelques autres personnes sont descendus des bateaux avec des seaux, des couvertures et – grâce à l’ingéniosité d’Eric – une petite pompe manuelle qui leur a permis d’assurer un débit d’eau constant.
Au cours des 8 heures qui ont suivi, j’ai regardé Hermann, Eric, Janie et quelques membres des Gitga’at Watchmen garder l’épaulard au frais avec un débit d’eau continu et plusieurs couvertures humides. Lorsque le niveau d’eau nécessaire pour permettre à la baleine de respirer d’elle-même a été atteint, Hermann et le reste de l’équipe ont évacué l’île et laissé la nature faire son œuvre.
Puis, après s’être débattue pendant un moment et s’être donné un élan avec la pointe de sa queue, elle s’est libérée! Ce fut une expérience incroyable et qui s’est bien terminée grâce aux extraordinaires efforts de la communauté. Janie et Hermann, les Gitga’at Guardians ainsi qu’Eric Keen et son groupe ont fait équipe dans l’un des secteurs les plus reculés du Canada afin d’aider un mammifère marin d’exception à survivre.
La région de Colombie-Britannique où Hermann et Janie dirigent le Cetacea Lab est située dans le territoire de la Première Nation Gitga’at. Cette région est reconnue pour ses baleines, nombreuses, mais pourrait également devenir un lieu de transit maritime lourd. Voilà pourquoi le WWF, en collaboration avec le Cetacea Lab et la Première Nation Gitga’at, travaille à mesurer l’impact sur les baleines du bruit sous-marin provoqué par les navires et, ultimement, à mieux comprendre comment le développement des activités industrielles dans la région pourrait avoir un effet sur les baleines à bosse du Pacifique, les épaulards menacés et nombre d’autres espèces marines.
Les baleines à bosse et d’autres cétacés sont attirés par ce secteur pour une raison bien particulière : l’abondance de nourriture. Durant l’été, ces régions côtières débordent des nutriments dont le plancton a besoin pour se développer. Les poissons fourragers, tels que les harengs, se nourrissent de plancton; et les baleines à bosse, les rorquals et les saumons se nourrissent de ces poissons.
Toutes les baleines utilisent le son pour communiquer. Voilà pourquoi il est très important de conserver un environnement paisible dans ces eaux. Cela permet aux épaulards, aux rorquals et autres baleines à bosse de communiquer… et de nous gratifier de leurs magnifiques chants.
Janie Wray et Hermann Meuter ont été réunis par leur passion commune pour la recherche et la protection des baleines sur la côte du Pacifique. Au nord de la région du Grand Ours en Colombie-Britannique, ils ont obtenu la permission de la Première Nation Gitga’at pour construire le Cetacea Lab, une station de recherche hydrophonique sur l’île reculée de Gil Island. Depuis 2012, le WWF travaille main dans la main avec le Cetacea Lab et la Première Nation Gitga’at et soutient leur travail visant à observer et à protéger les baleines.