Le Canada devrait investir les cautionnements de sécurité de l’industrie pétrolière dans l’économie durable

Afin d’obtenir leurs permis d’exploration dans la mer de Beaufort, au nord-ouest de Tuktoyaktuk, les pétrolières Imperial Oil, BP et ExxonMobil se sont entendues avec le gouvernement fédéral pour investir plus de 1,7 milliard de dollars dans l’exploration extracôtière. Le quart de cette somme, 441 millions de dollars, a été versé d’une traite en tant que cautionnement de sécurité. Ce cautionnement devait être remboursé aux entreprises, dans une proportion de 25 % de leurs dépenses d’exploration admissibles, au fil de leurs activités. Or, puisque les pétrolières n’ont pas dépensé tout l’argent initialement prévu tout au long de la période de validité de leurs permis – qui tirent maintenant à leur fin – il reste environ 400 millions de dollars dans ce fonds.
Au nom du WWF, j’ai récemment affirmé que le gouvernement du Canada devrait conserver cet argent. Mais pourquoi prenons-nous position sur cet enjeu, vous demanderez-vous peut-être? Par réflexe revanchard envers l’industrie pétrolière? Après tout, le WWF s’oppose la plupart du temps aux projets et aux intérêts de l’industrie, diraient certains.
Mais soyons clairs : Lorsque nous nous opposons à des projets tels que celui de l’oléoduc Northern Gateway, ou encore aux tentatives de l’industrie de miner les lois environnementales du Canada, nous le faisons pour empêcher ces entreprises de mettre en danger nos rivières, nos lacs et nos océans. Nous nous opposons seulement à des projets si dangereux, ayant des conséquences potentielles si graves sur notre patrimoine naturel, qu’ils doivent tout simplement être écartés.

Glaces de mer près de la côte de la mer de Beaufort, à proximité de Herschel Island, Yukon, Canada. © Monte HUMMEL / WWF-Canada
Glaces de mer près de la côte de la mer de Beaufort, à proximité de Herschel Island, Yukon, Canada. © Monte HUMMEL / WWF-Canada

Beaucoup de résidents du Grand Nord ont longtemps cru en la promesse pétrolière. Pourquoi? Parce qu’ils ont besoin d’une économie plus forte, qui offre de meilleures opportunités et une vie plus prospère. Toutefois, nous devons garder ceci à l’esprit : les gens achètent de l’essence, non pas parce qu’ils veulent de l’essence, mais bien parce qu’ils veulent se déplacer. Les gens croient en la promesse pétrolière, non pas parce qu’ils veulent du pétrole, mais bien parce qu’ils veulent une plus grande prospérité.
Cette promesse pétrolière dans le Nord, c’est une promesse brisée. Elle ne peut pas se réaliser, puisque l’industrie pétrolière est incapable de forer en eaux profondes de manière sécuritaire – à moins qu’elle accepte de se plier à la réglementation actuelle. Et maintenant qu’elle tourne le dos à ses propres engagements, elle fait pression sur le gouvernement pour changer les règles du jeu.
Cette promesse pétrolière dans le Nord, c’est un citron. Et quand la vie nous donne des citrons, il vaut mieux en faire de la limonade. Voilà ce que nous appelons le gouvernement fédéral à faire : garder les 400 millions de dollars qui représentent les promesses brisées de l’industrie, puis investir cet argent dans de véritables filières économiques durables pour le Nord. Les habitants de cette région ont besoin d’une plus grande prospérité, pas de nouvelles promesses brisées.