Sur la trace des bélugas – 15 octobre

Par Marie-Sophie Giroux, naturaliste au Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marin (GREMM)
Billet paru sur baleinesendirect.org.
À l’aube de la migration saisonnière des bélugas, une question persiste: mais où vont-ils l’hiver? Cette question est au cœur même d’un nouveau projet de recherche lancé au début du mois d’octobre: Sur la trace des bélugas qui vise à comprendre où et comment vivent les bélugas lorsqu’ils quittent l’estuaire du Saint-Laurent l’automne venu. C’est avec la technologie de télémétrie satellite ainsi que des survols aériens que des mâles bélugas seront «filés» jusque dans leurs quartiers d’hiver pendant plusieurs mois. Ce projet est le prélude d’un autre projet d’envergure: Une année avec les bélugas, une mission scientifique ambitieuse qui vise à suivre les bélugas pendant quatre saisons consécutives.

© GREMM
© GREMM

C’est aujourd’hui bien connu: la population de bélugas du Saint-Laurent se concentre dans l’estuaire et le fjord du Saguenay durant l’été. Au fil des trente dernières années, les connaissances acquises grâce à l’extraordinaire collaboration entre plusieurs institutions scientifiques sur la distribution et l‘habitat estival des bélugas se sont précisées. De nombreuses données scientifiques sont devenues disponibles et ont même été essentielles à la mise en place de mesures de protection comme la désignation d’habitats critiques ou la création du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent. Toutefois, la plupart de ces données sont récoltées en saison estivale. Que se passe-t’-il une fois qu’ils ont quitté ce secteur tard à l’automne? Où se concentrent-ils? Quels sont les facteurs qui motivent leur choix pour un secteur en particulier pour y passer la saison froide et quel est ce secteur? Ces questions demeurent, même après plus de 30 ans de recherche sur le béluga du Saint-Laurent.

Relevé aérien © GREMM
Relevé aérien © GREMM

Des données enregistrées dans les années 1940 ainsi que celles obtenues grâce à des survols aériens réalisés au début des années 1990 ont fourni quelques informations sur la présence de bélugas dans le golfe du Saint-Laurent notamment au large de la Côte-Nord et de la Gaspésie, mais les informations demeurent rares et sporadiques. La question intéresse les scientifiques depuis plusieurs années, mais l’urgence d’y répondre s’est accrue avec la hausse de mortalités de nouveau-nés observée depuis 2010 et le constat que cette population est en déclin depuis les années 2000. Est-ce qu’un changement dans leur habitat d’hiver, comme la hausse de la température de l’eau et la diminution du couvert de glace en hiver, pourrait avoir une incidence? Ces questions demeurent sans réponse à ce jour. Toutefois, plusieurs pistes pour comprendre ce déclin ont été émises par la communauté scientifique. Des inventaires aériens pour estimer la distribution des bélugas en dehors de l’été ont été réalisés au cours des trois dernières années par le biologiste Jean-François Gosselin (Pêches et Océans Canada). Seule une faible proportion de la population de bélugas du Saint-Laurent a été retrouvée. Où sont les autres? Les résultats d’abondance préliminaires des relevés d’automne, d’hiver et de printemps des dernières années suggèrent que les animaux se dispersent au-delà de Pointe-des-Monts ou même de l’île d’Anticosti.

© Sophie Paradis / WWF-Canada
© Sophie Paradis / WWF-Canada

Sur la trace des bélugas est mené conjointement par le GREMM et Pêches et Océans Canada (MPO) et supporté financièrement par le Fonds mondial pour la nature (WWF Canada) et la Fondation canadienne Donner. Ce projet vise à fournir des éléments de réponses à ces nombreuses questions qui demeurent en suspens sur la vie des bélugas du Saint-Laurent. L’équipe du Bleuvet, incluant les chercheurs Robert Michaud (GREMM) et Véronique Lesage (MPO), a repris le large cette semaine, pour une vingtaine de jours dans le but d’aller poser des émetteurs satellites, de type LIMPET, sur six mâles pour pouvoir tracer leurs déplacements dans les prochains mois. Les balises satellites peuvent émettre pour une période allant à plus de 100 jours. La télémétrie par satellite a joué un rôle clé dans la science et la gestion des populations de bélugas du Nord dans les dernières décennies, révélant les mouvements à long terme, la fidélité au site, la préférence pour des habitats et l’étendue des populations. Des survols aériens en collaboration avec Jean-François Gosselin sont prévus en complément au projet dès le mois de novembre pour retrouver les individus «filés» dans leur territoire hivernal et ainsi obtenir des informations essentielles pour déterminer entre autres l’habitat critique des bélugas du Saint-Laurent, soit l’une des stratégies énoncées dans le Programme de rétablissement du béluga du Saint-Laurent paru en 2012.
Sur la trace des bélugas est le prélude d’un autre projet d’envergure: Une année avec les bélugas, une mission scientifique qui suivra les bélugas durant un an et ce, jusque dans leurs quartiers d’hiver éloignés. Les résultats obtenus des suivis satellitaires de cet hiver serviront d’ailleurs à établir les bases pour les suivis en mer réalisés lors de cette prochaine année avec les bélugas.
Suivez l’évolution de ce projet au fil des semaines, sur le site Baleines en direct et nos réseaux sociaux. Soyez informés des avancées de l’équipe qui vous dévoilera de nouveaux aspects de ce nouveau projet fort prometteur!

Suivez l’aventure avec nous!
En savoir plus:
Communiqué de presse diffusé par le Fonds mondial pour la nature (WWF-Canada)
Sur la trace des bélugas : Expédition sur le Saint-Laurent pour en dévoiler quelques mystères