À Iqaluit, les étés se suivent, et ne se ressemblent pas toujours

L’impact du réchauffement climatique se fait sentir partout à travers l’Arctique, mais ce qui est immuable, c’est que le 21 juin marque le solstice d’été et que c’est le jour le plus long de l’année dans l’hémisphère Nord. Dans une ville comme Iqaluit, collée sur le cercle polaire, cela signifie qu’il ne fait jamais totalement noir, même pendant la courte période où le soleil disparaît derrière l’horizon.
Depuis ma visite précédente en novembre dernier, Iqaluit a franchi une étape qu’il est convenu de qualifier d’importante pour une petite communauté du Nord. Eh oui! Iqaluit compte maintenant son propre Tim Horton’s, le premier à s’afficher en inuktitut! Pour les habitants du Nord, pour qui Tim Horton’s est une véritable icône, il s’agit de tout un progrès!

(c) Martin von Mirbach/WWF-Canada
Ce que j’ai trouvé amusant, ce sont surtout les choses qui n’ont pas changé. Par exemple, ce couple d’Inuits qui ont acheté une boîte de beignes à l’aéroport d’Ottawa avant qu’on ne s’envole pour Iqaluit, comme ils avaient l’habitude de faire avant que n’ouvre le Tim Horton’s local. Et pendant que je prenais une photo, un jeune Inuit m’a crié que les beignes étaient trop chers. Il est vrai qu’à 1,49 $ chacun, ce n’est pas donné, mais dans une ville où le prix des 4 litres de lait a été réduit récemment à 11,65 $, se plaindre du prix des beignes faisait un peu moins sérieux!

Le 21 juin, c’est également la Journée nationale des Autochtones, qui est célébrée au Nunavut, bien qu’avec moins d’enthousiasme qu’ailleurs au pays, car ici le mot Autochtone est plus volontiers associé aux Premières nations, c’est-à-dire davantage à ceux que l’on appelait les Indiens qu’à ceux que nous avons connus comme les Esquimaux. La constitution canadienne précise clairement que le terme « Autochtone » désigne également les Inuits et les Métis, mais il n’est pas vraiment passé dans l’usage ici à Iqaluit. Cela étant, nous avons quand même eu droit à un concert à l’école :
–          un chœur d’enfants, qui ont chanté en Inuktitut et en anglais – notamment une ode à la motoneige!
–          un duo d’aînés en habit traditionnel qui nous ont offert un chant de gorge
–          un groupe allumé de hip-hop, dont un joueur d’harmonica déchaîné
–          un gars mélangeant des mots inaudibles
–          une jeune rappeuse qui nous a offert une performance enragée en inuktitut
–          Etulu et ses fils, qui nous ont présenté des chansons folk
–          Lucy Idlout, une chanteuse de blues, en anglais, à la voix rocailleuse
Ce qui m’a frappé dans cette soirée, c’est la facilité avec laquelle se mélangeaient le traditionnel et le moderne, l’inuktitut et l’anglais, comme si tout cela allait de soi, et personne n’a bronché au passage de l’un à l’autre.

Cette soirée m’a rempli d’espoir. Je sais qu’Iqaluit est une communauté qui vit de grandes difficultés et qui a été bouleversée récemment par un triple meurtre et suicide, mais cette soirée m’a fait entrevoir une communauté qui cherche à concilier le respect de la tradition et les bons côtés de ce qu’on appelle la modernité. N’est-ce pas là une leçon que nous devrions tous retenir?