L’équipe OPANO

Janice Ryan
Spécialiste des pêcheries au WWF
J’étais en troisième année lorsqu’a été créée l’Organisation des pêches de l’Atlantique nord-ouest, dans le but sincère de conserver et gérer les ressources halieutiques dans la zone économique exclusive de 200 milles marins le long des côtes de Terre-Neuve et Labrador. J’ai grandi en entendant les bulletins de nouvelles parler de la « surpêche étrangère » et de la clause d’exception accordant aux parties contractantes (soit les états membres de l’OPANO) la possibilité de fixer leurs propres quotas si le quota accordé par OPANO était insatisfaisant. Il me semble qu’il n’y a pas longtemps que nous étions pris dans la tourmente créée par la réaction de Brian Tobin aux affirmations qu’une partie contractante de l’OPANO pêchait illégalement le flétan du Groenland à l’extérieur de la zone économique exclusive de 200 milles du Canada.

Terre-Neuve (c) Janice Ryan/WWF-Canada
Pour moi, l’OPANO représentait une sorte d’autorité suprême en matière de gestion des pêches. L’Organisation représentait une entité capable de prendre des décisions qui allumeraient l’étincelle qui embraserait les conflits en haute mer et susciterait les passions auprès de mes concitoyens de Terre-Neuve et du Labrador. Alors imaginez mon enthousiasme en avril lorsque WWF-Canada  m’a offert un poste qui me permettrait de faire du travail de première ligne sur le dossier OPANO!
Le printemps dernier, j’ai épluché le dossier OPANO avec l’aide de mes collègues du WWF et de Pêches et Océans Canada, et étudié à fond les questions scientifiques et de gestion des ressources halieutiques dans nos bureaux régionaux. Grâce à leur patience et à leur collaboration, j’ai acquis les connaissances et l’approche critique nécessaires pour participer aux travaux de l’équipe OPANO. Je n’ai pas tardé à me rendre compte que le principal facteur qui nuit au rétablissement des populations de morue dans les Grands Bancs est la question des morues par capture d’autres pêcheries de la division 3NO réglementée par l’OPANO. Un problème difficile à régler. Je suis également devenue assez versée en ce qui touche au monde fascinant des écosystèmes marins vulnérables et à l’importance d’adopter – et d’appliquer – des mesures plus rigoureuses de protection de ces écosystèmes et de tout ce qui vit dans les Grands Bancs de Terre-Neuve. Les gouvernements et l’industrie ont réitéré leur inquiétude au sujet de la gravité du manque de transparence du processus décisionnel. Voilà qui n’est pas nouveau dans le milieu de la gestion des pêches; à l’échelle régionale des mesures ont été prises qui ont connu un certain succès grâce à l’implantation d’un processus de gestion fondé sur la collaboration des parties intéressées.


Le processus de consultation pré-OPANO mené par le WWF a été un peu stressant, c’est le moins que je puisse dire! Il n’est pas facile de présenter une position très tranchée aux superpuissances du monde lorsque cette position, si elle était acceptée, mènerait à l’amendement des mesures de conservation et d’application de l’OPANO en ce qui touche aux morues par capture. Et puis quand on fait ça par téléconférence, on se sent un peu comme si l’on jouait une partie de poker avec un bandeau sur les yeux. J’ai été agréablement surprise de constater que les représentants de ces grandes puissances étaient très cordiaux et ouverts à nos recommandations.  En fait, nous avons appris beaucoup les uns des autres et nous avons appuyé des idées qui, en définitive, ont renforcé notre position. Il faut maintenant aller répéter l’exercice à Halifax!
L’assemblée annuelle de l’OPANO est un événement impressionnant, ne serait-ce que par l’ampleur de la participation. Il y avait des années que je n’avais vu tant de complets-cravates! Bien des gens bien sérieux. Tout au long des réunions, j’ai été témoin d’un niveau élevé de discussion franche et ouverte sur des questions et des propositions soumises par les parties contractantes. Les vétérans de l’OPANO ont exprimé la satisfaction de voir l’Organisation aller dans la bonne direction, grâce à l’orientation tirée d’un examen indépendant de ses réalisations. D’autres pas en avant ont été faits, notamment l’adoption d’un plan intermédiaire de rétablissement des populations de morues, et des progrès ont été réalisés à l’égard des écosystèmes marins vulnérables, entre autres une entente visant une nouvelle évaluation des impacts de la pêche de fond.


L’engagement du WWF envers le rétablissement de l’écosystème des Grands Bancs au cours des six dernières années a suscité des changements importants dans la manière dont l’OPANO gère les pêches. Nous en constatons les effets positifs en matière de conservation, particulièrement la croissance notable des populations de morue dans le sud des Grands Bancs. Il reste néanmoins beaucoup à faire au chapitre des morues par capture, et du renforcement des actions de conservation dans les écosystèmes marins vulnérables.
Mais chaque pas en avant compte, et entretient l’élan nécessaire pour continuer de travailler à atteindre l’objectif du WWF, un écosystème en santé et durable dans les Grands Bancs!