Nos cours d’eau sont-ils vitaux et valorisés?

L’annonce faite récemment par le bureau du ministre Ashfield semble indiquer que la valse-hésitation entourant l’amendement de la Loi sur les pêches du gouvernement fédéral [dont nous avons déjà discuté dans ce blogue] entre dans une nouvelle phase et que des amendements sont de nouveau sur le tapis.
Laissez-moi d’abord vous dire ce que je pense de cette loi. À mon avis, la Loi sur les pêches est l’un des outils juridiques et réglementaires les plus puissants dont nous disposions pour protéger les poissons et leurs habitats, y compris l’eau elle-même. Une eau qui doit être saine et qui ne les empoisonnera pas. Une eau en quantité suffisante, et suffisante au moment voulu, pour le maintien des habitats. N’oublions pas que cette eau est la même que celle que nous buvons et dans laquelle nous nageons.
 
© Andrew S. Wright  / WWF-Canada
Le texte et l’application de la Loi sont-ils parfaits? Loin de là. Mais, au vu du nombre croissant d’espèces aquatiques menacées,  il est plus important que jamais de disposer d’une loi pour assurer leur protection et celle de leurs habitats.
Qu’est-ce que signifie l’annonce faite hier, alors? En fait, on ne sait pas trop. On a eu droit à une annonce vague et à bien peu de détails. Ce qu’elle semble indiquer, cependant, c’est que tout éventuel amendement sera le fait de quelqu’un, quelque part, qui décidera si une rivière, un lac, un ruisseau ou un marais est « vital », « valorisé » ou « important » pour «  la productivité des pêches récréatives, commerciales et autochtones ».
Cela soulève d’emblée deux grandes questions : quelles seront les conditions à remplir pour figurer sur la « liste »?  et à qui la décision sera-t-elle confiée?
Verra-t-on sur cette liste la rivière Saint-Jean au Nouveau-Brunswick – au cœur de la vie de la circonscription du ministre lui-même – et dont le saumon de l’Atlantique qui y a longtemps frayé a presque disparu? Verra-t-on sur cette liste Bell’s Creek dans le sud rural de l’Ontario, où j’ai pêché mon premier poisson et avalé ma première tasse? Et la rivière Athabasca, répondra-t-elle aux nouveaux critères pour figurer sur la liste? Son poisson blanc et son doré jaune seront-ils des espèces « valorisées »? Et que dire des centaines de ruisseaux qui traversent le trajet de l’oléoduc Northern Gateway que se propose de construire la société Enbridge – des cours d’eau qui se jettent dans certaines des rivières à saumon les plus « valorisées » dans le monde? Qu’en fera-t-on?
Apparemment, cela dépend à qui on pose la question. Ce qui me ramène à ma deuxième question initiale, à savoir qui décide? Le ministre? Les scientifiques du gouvernement fédéral dont les emplois sont menacés? Quel rôle, s’il en est, joueront les communautés et nos très compétents scientifiques canadiens?
D’après l’annonce du bureau du ministre, lui-même et son personnel de cabinet consulteront les parties intéressées au cours des semaines et des mois à venir, au sujet des détails entourant les amendements qui pourraient être adoptés. Souhaitons-nous qu’ils prennent le temps d’écouter les centaines de scientifiques les mieux placés pour savoir comment protéger l’eau dont dépendent les poissons – et nous tous.
Et souhaitons-nous qu’ils se donnent la peine d’écouter ce que nous, citoyens, avons à dire. L’approche présentée hier laisse clairement entendre que certains plans d’eau pourront être rejetés s’ils sont jugés « sans valeur ». On se demande sur quelle liste figureront la rivière, le ruisseau, le lac derrière chez nous, pas vrai?