Dégradation de la santé des océans – Renversons la tendance en 2012 !

L’état des océans de la planète évolue actuellement à un rythme à une échelle que l’on n’avait jamais vue depuis les débuts de l’ère moderne. Cette situation est attribuable principalement à l’activité humaine, plus particulièrement la surpêche, la pollution, la perte et la conversion d’habitats. En fait, la situation actuelle ne devrait pas nous étonner. En effet, la population mondiale a doublé depuis 1950 pour se chiffrer à environ sept milliards en 2011, et l’on estime qu’elle dépassera les neuf milliards en 2050. De cette population globale, près de 40 % habitent, avec raison, à moins de 100 km des côtes, et les mégalopoles du monde – Djakarta, Mumbai ou Los Angeles – sont des villes côtières.  De ce fait, la capacité des océans à dispenser aujourd’hui et demain leurs bénéfices à la nature et aux populations a grandement diminué, ce qui se traduit par une perte économique considérable. Or, on prévoit une hausse de 50 pour cent de la demande de produits de la mer d’ici 2030.

Lançon d’Amérique (Ammodytes americanus) en Atlantique, baie St. Margarets, Nouvelle-Écosse. © Gilbert Van Ryckevorsel / WWF-Canada
Mais le rétablissement de la santé des océans à l’échelle de la planète – et notamment au Canada – nous offre une occasion encore plus extraordinaire de procurer de manière responsable et durable toute une gamme de bienfaits pour les habitants de la Terre. Les océans couvrent 71 pour cent de la superficie de la planète, et sont à la fois un moteur de croissance économique mondiale (on estime à 61 pour cent la part du PNB total du monde tiré des zones à moins de 100 km des côtes) et une source de nourriture indispensable à la sécurité alimentaire (les océans fournissent 10 pour cent des protéines d’origine animale de toute la population mondiale). Or, une grande part de l’économie qui leur est liée est tributaire de la santé des océans. Bien sûr, l’on pourrait continuer de naviguer sur des mers mortes, et d’extraire du pétrole et du gaz d’océans saturés par la pollution. Mais seuls des océans en santé et florissants peuvent procurer de la nourriture en abondance (les pêcheries en mer et l’aquaculture assurent à elles seule la subsistance de quelque 250 millions de personnes à travers le monde et les produits de la mer représentent une valeur de > 190 G$ US), des régions attirantes pour le tourisme (le tourisme marin et côtier a été estimé à quelque 161 G$ US en 1995), de nouveaux produits naturels à usage médicinal, des barrières contre les inondations et les dégâts causés par les intempéries (par exemple, les herbiers marins et les mangroves protègent les zones côté terre sous le vent), entreposage de carbone (les herbiers marins et les mangroves captent de grosses quantités de carbone, une stratégie importante de réduction des effets du réchauffement climatique), sans parler de tous les effets bénéfiques non marchandables (valeur intrinsèque de la biodiversité, appartenance, etc.).
Il faudra pour saisir cette occasion opérer une réforme en profondeur de la gouvernance. Bien qu’un cadre global de gouvernance soit déjà en place par l’intermédiaire de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS, signée en 1982), des pays comme le Canada ont manqué systématiquement à leur engagement à gouverner efficacement l’usage des services des océans dans les zones relevant de leur juridiction – ainsi à ce jour, le Canada ne dispose d’aucune stratégie de rétablissement des stocks de poissons décimés par la surpêche, notamment les stocks de morues des Grands Bancs de Terre-Neuve, une perte cruellement sentie – laissant derrière eux des océans qui pourraient produire un excellent rendement économique. De fait, les politiques mises en place ont érodé ce capital naturel, qui est en bonne voie vers la faillite.
La réforme de la gouvernance et le soutien au rétablissement de la santé des océans, deux exercices nécessaires pour qu’ils puissent contribuer davantage et de manière durable à l’économie mondiale, exigeront beaucoup plus de financement, ce qui devra se traduire notamment par une réduction des subventions accordées à des usages non durables de la mer et des investissements accrus. En 2012, plusieurs projets démarrés aux quatre coins du monde ont établi le besoin de financement et soutenu des initiatives entreprises pour rétablir le capital naturel d’océans en santé. En janvier, le nouveau programme de pêcheries durables parrainé par le prince de Galles soulignait que l’absence, ou l’insuffisance, de capital financier constitue le principal obstacle au changement. En février, la revue The Economist organisait le premier Sommet mondial sur les océans à Singapour, et la Banque mondiale annonçait la création d’un Partenariat mondial pour les océans dans le but de créer un fonds en fiducie pour financer l’implantation de mesures de réforme. À l’approche du sommet Rio+20, qui se tiendra en juin, l’on constate le consensus croissant entourant la nécessité d’accélérer le rythme des mesures de conservations des océans à travers la planète. L’année 1912 a été celle du Titanic, 2012, celle où James Cameron est descendu au fond des fonds de la mer. Faisons le pari que d’ici quelques années, on se rappellera de 2012 comme de l’année où l’humanité a compris pour de bon la valeur pour l’humanité d’océans en santé et a renversé la vapeur.