Faisons-le pour les poissons

Nous savons tous que les poissons ne peuvent pas parler et nous exposer en long et en large la beauté de leur diversité. Comme l’a souligné Eric Taylor, spécialiste des poissons d’eau douce à l’université de la Colombie-Britannique dans un de ses derniers blogues (en anglais seulement), « … près de 40 % de tous les poissons – soit quelque 33 000 espèces au bas mot – vivent en eau douce, mais les habitats d’eau douce ne représentent que 0,8 % de la superficie totale de la Terre. Ramenons ça en unité de surface, et la diversité des poissons d’eau douce est inégalée ».
Il va de soi que les poissons ne peuvent pas descendre dans la rue, ni célébrer un simulacre de funérailles en l’honneur de la preuve scientifique que l’on a fait taire. Les poissons ne pourraient jamais éplucher la preuve scientifique pour évaluer des demandes et des projets. Ils ne peuvent pas envoyer de lettres à nos dirigeants comme l’ont fait des milliers de scientifiques pour protester contre des lois qui permettront avec une étonnante facilité de détruire leurs habitats. Enfin, les pauvres poissons n’ont aucun pouvoir sur leur sort de plus en plus menacé alors qu’un nombre croissant d’entre eux se trouvent en péril. Depuis 1977, 84 espèces de poissons d’eau douce ont été classées comme étant en péril, à des degrés divers – en voie de disparition, menacé, préoccupant – selon des critères reconnus à l’échelle internationale, selon Eric Taylor, co-président du sous-comité des poissons d’eau douce du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC).

Saumon Sockeye (Oncorhynchus nerka) en eau douce, Canada. © J. D. Taylor / WWF-Canada

Les poissons ne peuvent pas, mais nous, nous le pouvons. Et nous devons le faire pour mettre un frein à la chute alarmante du nombre de poissons d’eau douce. Et cela se produit alors même que de plus en plus de citoyens protestent contre le fait que le gouvernement rejette du revers de la main l’expertise scientifique et un processus décisionnel fondé sur la preuve scientifique, et contre le déni de démocratie dont a fait preuve le gouvernement fédéral en adoptant le projet de loi C38, ce projet de loi budgétaire qui a sonné le glas de plusieurs de nos meilleures lois de protection de la nature.
Le principal argument du gouvernement pour justifier l’amendement des parties de la Loi sur les pêches portant sur les habitats des poissons a été réfuté par l’excellent article intitulé Canada’s Weakening Aquatic Protection rédigé par des scientifiques de l’université Simon Fraser, qui ont épluché des milliers de projets de développement de 2006 à 2011 et n’en ont découvert qu’un seul qui ait été rejeté au cours du processus d’évaluation environnementale, en raison, entre autres, de son potentiel de destruction d’habitats de poissons. Ces scientifiques ont également examiné 1283 condamnations par le gouvernement fédéral pour violation de la Loi sur les pêches au cours de la même période, et ont découvert que seules 21 de ces condamnations étaient liées à la destruction d’habitats de poissons. Conclusion? « Ces chiffres peu élevés pourraient refléter la conformité aux dispositions de la loi portant sur les habitats – auquel cas il n’y a aucune raison de modifier de telles dispositions – ou une capacité réduite d’application de ces dispositions, ce que l’on ne saurait imputer à la loi elle-même. »
Eric Taylor, un scientifique de renom et que nous sommes fiers de compter parmi nos Citoyens pour la protection du Grand Ours, affirme que les mesures remplaçant les anciennes dispositions DDP de la Loi sur les pêches sont « indéfendables d’un point de vue biologique ». Il nous rappelle que la perte et la dégradation des habitats constituent les plus importants facteurs mettant en péril la biodiversité des habitats d’eau douce, particulièrement les poissons, ici au Canada mais partout ailleurs sur la planète également.
Et Eric Taylor ne manque pas de documentation à l’appui de ses dires!
Je vous invite donc à consulter la documentation jointe, produite par les plus grands spécialistes en sciences aquatiques du Canada. Vous pourrez alors décider par vous-même si VOUS voulez aussi prendre la défense des poissons.