Un appel d’Iona Campagnolo aux citoyens du Canada

Écrit par Iona V. Campagnolo, C. P., C.M., O. B. C.
Je suis née sur l’île Galiano, j’ai vécu une partie de ma jeunesse près de la rivière Skeena, et j’ai pris ma retraite dans la région du passage Discovery, sur l’île de Vancouver. Autrement dit, je suis une vraie Britanno-colombienne, et comme bon nombre de côtiers amoureux de leur région, je suis inquiète de ce projet de transporter du pétrole et du bitume de l’Alberta jusqu’en Asie, en passant par les eaux intérieures de la côte nord de ma province natale.
Cette préoccupation n’est pas nouvelle, chez moi. Déjà vers la fin des années 1970, alors que j’étais députée de Skeena et ministre du gouvernement canadien, j’ai aidé à stopper un projet semblable qui aurait bien voulu faire du chenal marin de Douglas une autoroute pour pétroliers – à l’époque, il s’agissait cependant d’importer plutôt que d’exporter du pétrole. J’ai alors travaillé avec mes collègues à l’adoption un moratoire pour interdire les pétroliers dans les eaux de la côte nord de la Colombie-Britannique. Ce moratoire est aujourd’hui, et malheureusement, invalide, et nous devons reprendre la bataille pour la protection de nos côtes.

Îlots au large des côtes du Grand Ours. Tim Irvin, WWF-Canada

Je vous invite donc tous à regarder d’un œil objectif le trajet proposé des pétroliers : à travers le détroit d’Hécate, passé les North Danger Rocks, la communauté de la baie de Hartley, droit sur l’entrée du chenal Grenville, et à travers l’étroit et tortueux chenal Douglas jusqu’à Kitimat. Imaginez un énorme pétrolier plein de brut – un bateau long comme un gratte-ciel – sillonnant une route fluviale impétueuse et imprévisible, et ajoutez à cela les manœuvres à faire pour éviter les bateaux de plaisance et les kayaks, des conditions météorologiques qui peuvent devenir extrêmes, des courants très forts, et les possibilités d’éboulements, voire de tremblements de terre.

Entre la mer et l’eau douce – Loutre de rivière dans la région du Grand Ours. Tim Irvin, WWF-Canada

Les dangers sont plus grands aujourd’hui qu’il y a 40 ans. Le bitume dilué contient davantage de toxines que le pétrole brut ordinaire, et il est encore plus difficile à nettoyer – comme nous avons pu le constater dans les rapports sur le déversement dans la rivière Kalamazzo en 2010 par la même compagnie, Enbridge. Lorsque surviendra l’inévitable déversement, les travaux de nettoyage seront-ils ralentis par les émissions de gaz toxiques des condensats? Le temps que se dispersent les gaz, une bonne partie du bitume goudronneux aura eu le temps de se déposer au fond de l’eau. Beau bilan mortuaire pour la Colombie-Britannique! C’est notre province et ses citoyens qui devront assumer les risques liés à ce projet, ceux d’aujourd’hui et de demain.

Je vous invite donc cet été à venir voir par vous-même. Venez visiter nos côtes, faites un voyage en bateau! Venez admirer une contrée aussi unique que spectaculaire, la côte nord de la Colombie-Britannique! Vous pourrez faire un arrêt auprès de la communauté Gitga’at de la baie de Hartley, et rencontrer la population de Kitimat, notamment les membres de la Première Nation Haisla. Le pays du Grand Ours et son immense beauté vous attendent. Venez découvrir cet endroit magnifique, et vous déciderez ensuite si le projet de route pour pétroliers dans cette région vous semble être une bonne idée.
Cet été, faites-vous entendre! Nous avons tous, comme citoyens, la responsabilité de nous engager en ce qui touche aux affaires publiques. Cette responsabilité, c’est celle de protéger le patrimoine que nos ancêtres nous ont légué, pour pouvoir le léguer à notre tour aux générations qui nous suivront. Ce n’est pas une question de radicalisme ni de régionalisme, mais de conscience citoyenne, ni plus ni moins. WWF-Canada et les Premières Nations côtières ont besoin de notre appui à tous. Je leur accorde volontiers le mien… et vous?