Les aventures de l’Arctic Tern vers le Dernier refuge de glace – du 6 au 12 août

Écrit par Valentine Ribadeau Dumas, deuxième officier et directrice de la logistique et de la science
Nouveau groupe, nouveaux objectifs : Nick et Maurice veulent faire plusieurs reportages sur l’expédition, ses objectifs, sur les communautés rencontrées, etc. Paul étudie les algues vertes qui se déposent sur le dessous des icebergs ainsi que la composition de l’eau a certaines profondeurs et Clive est le leader du projet « Last Ice Area ». Pour cette étape, la priorité n’est plus donnée autant à la visite des communautés (à part pour quelques images pour Al Jazeera), mais est plus accès sur la science et la communication du projet global.

Nick et Maurice, journalistes d’Al Jazeera

Paul au travail

Nous voilà donc depuis 5 jours avec 4 hommes de plus à bord! Croyez-moi, Grant n’est pas peu content. Après plus de deux mois en sous-nombre, il profite maintenant d’un équipage en grande majorité masculin! Imaginez bien que les blagues fusent…
Première journée à Qaanaaq, organisation du séjour selon les priorités de chacun, discussion autour du trajet à faire selon le temps disponible, rencontre de quelques locaux pour les journalistes et procédure de sortie du territoire. Cette dernière étape est relativement facile ici : appeler la police, lui donner un rendez-vous sur la plage, arrivée en canot pneumatique avec l’équipage et tous les passeports, obtenir le tampon nécessaire sur le capot de la voiture de police et remercier gentiment le monsieur! OK, c’est fait! On est maintenant en règle pour entrer au Canada.
Nous décidons de mettre le cap sur Qeqertat (Harward Island) qui se situe au fond du fjord d’Inglefield situé à l’est de Qaanaaq, « un des plus beaux endroits du Groenland » selon l’équipage d’un autre bateau habitué des lieux. Arrivées le soir à Qeqertat, nous découvrons ce village de 30 habitants, village de chasseurs de narval. Tout y est : les os de carcasses sur la plage, les harpons disséminés ici et là, le gras de narval (et son odeur… terrible!), les bateaux à moteur ancré et leur kayak à bord (la chasse au narval doit avoir lieu en kayak) et même une superbe dent de narval au bord de l’eau.

Bateau et kayak pour la chasse

Nous rencontrons quelques locaux, parlant peu anglais, mais toujours ayant cette attitude sympathique et timide, qui semble définir un peu les gens d’ici. Nous passons la journée du lendemain sur place, allant à terre pour voir de plus près cet endroit si isolé du monde, magnifique et ses habitants. L’arrivée de notre équipage à terre coïncide avec le retour de la chasse au narval, une femelle est tractée par un bateau et arrive sur la plage. Quelques locaux se réunissent et nous assistons au partage de Mattak (morceau de peau et de gras de narval, spécialité gastronomique groenlandaise) ainsi qu’a la découpe de l’animal. L’une des femmes présentes nous fait part de ces critiques concernant l’attitude qu’elle observe souvent de la part des touristes, journalistes et explorateurs qui arrivent ici : « ils nous regardent trop souvent comme des objets », « nous pensons être gentils et ouverts aux autres quand ils arrivent, mais nous sommes ensuite souvent critiqués par les médias a l’étranger. Pourquoi? »
Nous étions venus la veille informer le village de notre passage avec des journalistes, et nous assurer qu’ils étaient d’accord. Cela semblait ne poser aucun problème, mais peut être que tout le monde n’a pas été averti de notre venue. Nous passons quelque temps à discuter avec elle pour saisir son point de vue : globalement, ils nous laissent regarder cette scène de retour de chasse, mais nous rappellent que nous devons l’appréhender dans son contexte local et selon la culture et l’histoire groenlandais… Parfois, les images ne suffisent pas, elles ne peuvent exprimer seules toute la signification des comportements et attitudes d’ici. Nous aussi, nous devons arriver avec une belle ouverture d’esprit pour tenter de comprendre ne serait-ce qu’un tout petit peu.
Nous retournons vers Qaanaaq pour quelques travaux de maintenance sur le moteur. Nous retrouvons Mads avec beaucoup de plaisir, un ingénieur-biologiste travaillant a la centrale électrique, et grande aide pour quelques conseils sur notre moteur, capricieux parfois.
L’ancre est de nouveau levée le 12 août au matin, après une nuit venteuse au mouillage. Direction le fjord de Mac Cormick pour se protéger du vent de l’est (peut être un peu fort) annoncé. Après quelques heures de pluie et de vent, nous trouvons un lieu relativement protégé. Voilà alors l’attente qui commence pour l’équipage, attendre que le vent se calme, idéalement la mer aussi, pour repartir. La nuit est plus calme, mais le 13 au matin, et contre toute attente, le vent s’intensifie et nous cloue ici. À tour de rôle, nous prenons nos quarts de surveillance : globalement, si quelque chose change un peu trop, réveillez le capitaine!
Nous voilà donc en ce beau lundi, en attente, bien ancrés, à écouter le vent nous conter notre planification.
Prochain arrêt : le Canada. Nous partirons certainement à regret de ce beau pays, laissant derrière nous beaucoup de belles choses, de belles rencontres, de superbes paysages et une grande envie de revenir pour approfondir nos connaissances de tout ceci.