Un refuge pour le rorqual à bosse

Nous y voilà donc, les trois membres de l’équipe WWF venus visiter le Cetacealab, un petit laboratoire qui fait de grands travaux sur les baleines en Colombie-Britannique. Aujourd’hui, nous donnons un coup de main à l’installation d’un nouvel hydrophone dans le réseau d’écoute sous-marine de la zone marine du Grand Ours. Installés sur des rochers lisses un peu glissants, entourés du bourdonnement des moustiques, nous aidons à ancrer le panneau solaire qui alimente l’hydrophone, nous taillons des branches, vérifions la solidité des câbles, et regardons Hermann plonger pour mettre la dernière main à l’installation. Et nous filmons tout ça en vue de la vidéo sur le bruit sous-marin à laquelle nous travaillons. Plus tôt aujourd’hui, nous avons vu des dauphins et des phoques, et une impressionnante colonie de morses… mais pas de baleines. Où sont-elles?

L’équipe du WWF à bord du bateau. © Linda Nowlan, WWF-Canada

Voyant des rorquals à bosse souffler au loin, j’ai fait un essai de télépathie pour les inviter à s’approcher. Je ne sais pas si j’ai vraiment un don, mais ils n’ont pas tardé à se manifester. Le premier a fait surface tout près du bateau, et il est resté là tranquillement, on aurait dit qu’il faisait la planche. Impressionnant de force tranquille. Puis, il s’est laissé entraîner par le courant. Je me demande encore s’il nous observait du coin de l’œil lui aussi.

Une fois l’hydrophone bien installé, nous démarrons le bateau et prenons la direction de la sortie du chenal Verney. Un trio de marsouins de Dall s’ébat dans l’eau, et nous sommes soudainement entourés de rorquals à bosse qui soufflent, s’ébrouent, plongent et font des pirouettes dans un concert de claquements de queue. La chienne Mikas ne sait plus où donner de la tête lorsque tout d’un coup, un gros rorqual émerge juste sous nos yeux et nous fait une éblouissante démonstration de pirouette avant de replonger dans un angle parfait pour que nous puissions admirer les marques uniques de sa grande queue.

© Linda Nowlan, WWF-Canada

C’est incroyable, je n’ai jamais vu autant de baleines dans un même endroit.
Janie Wray et Hermann Meuters sont les deux permanents du Cetacealab, un endroit hors du commun et un peu magique, comme vous pouvez le voir d’après la photo.

© Linda Nowlan, WWF-Canada

Depuis 11 ans que ce laboratoire mène ses travaux, les données recueillies sur les baleines sont considérables. Il y a beaucoup de baleines dans cette région, car la nourriture y est abondante et les eaux ne sont pas polluées. Et la région est remarquablement tranquille, ce qui plaît aux baleines qui se servent du son pour s’orienter, trouver leur nourriture et communiquer entre elles.

Il y a quelques années, le Cetacealab a dessiné, avec l’aide de la Première Nation Gitga’at, une carte montrant 180 rorquals à bosse. Chaque rorqual est parfaitement reconnaissable aux marques et à la forme de sa queue et de ses nageoires. Cet automne, une nouvelle carte sera produite, qui comptera cette fois 250 individus.

Il est difficile de croire que le rorqual à bosse, dont la population commence à peine à se remettre d’un siècle de chasse, est de nouveau menacé. Si le projet d’oléoduc Northern Gateway devait se réaliser, ce sont des centaines de pétroliers qui sillonneraient les étroits chenaux et les chapelets d’îles de la région, ici même à côté de l’île Gil. Outre le danger de catastrophe d’un déversement, ces pétroliers feraient exploser les décibels sous-marins et augmenter la pollution chimique des eaux, autant de menaces à la survie des baleines. Sans parler des collisions avec les bateaux.

Le mémoire que nous avons présenté à la Commission d’examen conjoint du projet Northern Gateway concluait que les menaces envers les cétacés avaient été grandement sous-estimées, particulièrement en ce qui touche au bruit. Et le WWF n’est pas le seul à le dire. Le Cetacealab a remis de l’information pertinente à la Commission sur les impacts pour le rorqual à bosse, le rorqual commun et l’épaulard. En outre, une nouvelle poursuite a été entreprise pour que soit assurée la protection du rorqual à bosse, et mettant le gouvernement fédéral au défi de produire enfin la stratégie de rétablissement de l’espèce (ainsi que trois autres espèces) nécessaire en vertu de la Loi sur les espèces en péril.

Le rorqual à bosse a encore son refuge, pour le moment. Aidez-nous à faire de ce refuge un havre de paix permanent.

Joignez votre voix à celle des Citoyens pour la protection du Grand Ours