Il était moins cinq pour le Kulluk – il faudra mieux planifier le trafic pétrolier et gazier dans l’Arctique

La plateforme conique de forage Kulluk se faisait remorquer depuis la mer de Beaufort dans les eaux arctiques en Alaska à destination de Seattle après une première saison de forage par la compagnie Shell, lorsque son remorqueur a perdu le contrôle de l’énorme plateforme au cours d’une violente tempête hivernale. La plateforme, chargée de quelque 560 000 litres de diesel et 45 000 litres de pétrole, s’est échouée sur l’île Sitkalidak, une île vierge à proximité de deux cours d’eau à saumon et de l’estuaire d’Ocean Bay.

(c) response.restoration.noaa.gov

Cet accident vient s’ajouter aux nombreux incidents survenus au cours de la saison de forage de la compagnie Shell, que Christopher Helman présente dans le magazine Forbes comme « une série d’erreurs qui relèveraient du comique si les conséquences n’étaient pas si potentiellement horrifiantes ». Ce dernier accident est d’autant plus préoccupant qu’il est survenu au milieu de l’hiver, lorsque les conditions climatiques font davantage obstacle aux opérations de récupération. Si un tel incident devait survenir à proximité de la banquise, il serait encore plus difficile d’intervenir et, selon moi, on serait davantage exposés à la suite d’événements auxquels on vient d’assister. N’oublions pas que la plateforme Kulluk a échoué à moins de 80 kilomètres d’un poste de la garde côtière, et c’est pourquoi l’intervention ne s’est pas fait attendre, mais que serait-il arrivé si cela s’était produit à plus de 800 kilomètres?
J’ai suivi les opérations sur le site de la garde côtière, qui y expose les ressources et le courage nécessaires pour agir en situation d’urgence. Il faut dire que l’on est mieux préparé en Alaska à réagir aux situations d’urgence que nous ne le sommes en zone arctique canadienne, et les éléments de risque en cas de fuite ont été bien identifiés. Par exemple, on a inauguré récemment le Cook Inlet Response Tool (CIRT), un produit d’intégration et de visualisation des données conçu pour aider les répondants en cas de fuite de pétrole ou autre incident. Cet outil interactif fonctionnant sur le Web fournit données spatiales de SIG, observations en temps réel, prévisions des vents, vagues et circulation océanique; on y trouvé également la vidéo ShoreZone (suivez ce lien pour voir une vidéo des côtes de l’île Sitkalidak où la plateforme Kulluk s’est échouée).
[youtube]https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=8xT12HlBsA0[/youtube]
Ces données de base et en temps réel sont indispensables pour bien comprendre comment les vents et les courants marins agiront en cas de fuite et pour adopter les mesures appropriées. Ces données sont également utiles pour aider à déterminer si une nappe de pétrole traversera des frontières internationales ou si elle se dirige vers des zones sensibles sur le plan environnemental – estuaires, roqueries, habitats de mammifères marins. À titre d’exemple, voici ce que pourrait produire un déversement le long de la côte nord-ouest de la Colombie-Britannique.
Il faut donc, avant que de tels incidents surviennent dans les eaux arctiques canadiennes – qu’il s’agisse de pétrole et de gaz ou de navigation, de tourisme ou autre forme de trafic maritime – recueillir les données les plus pertinentes sur les conditions environnementales et, si possible, les conditions en temps réel, de manière à pouvoir réagir de manière appropriée. Cela pourra également servir à la planification de mesures d’urgence et à informer les entreprises des lieux et périodes où les risques sont trop élevés et les conditions environnementales trop précaires pour permettre l’activité industrielle à certains moments et dans certains endroits. À l’heure actuelle, la capacité de réagir adéquatement à des déversements laisse à désirer, mais il est possible de l’améliorer au moyen d’un processus de planification bien informé et élaboré intelligemment, et d’arriver ainsi à protéger les zones les plus sensibles de notre environnement.