Je m’oppose au projet Northern Gateway pour ma famille, ma communauté et la nature

Je suis né dans la communauté de Terrace où j’ai vécu pendant 20 ans, profitant de la nature exceptionnelle qu’offre la région. J’ai canoté avec mon père sur la rivière Kitimat, chassé l’orignal et la chèvre des Rocheuses sur le territoire de piégeage de mon grand-oncle, dans le bassin versant de la Copper, et je suis souvent allé à Kitimat avec ma famille.
Je travaille depuis 5 ans pour le WWF et j’y ai notamment codirigé des recherches sur l’adaptation climatique et les effets cumulatifs dans les bassins versants du lac Lakelse et des rivières Kalum et Copper. Je siège actuellement comme responsable suppléant de la conservation au conseil du North Coast Marine Planning Partnership qui englobe une bonne part de la région marine où passeront les navires pétroliers si ce projet se réalise.
Je suis aussi une personne qui croit en la valeur intrinsèque de la nature au-delà des bienfaits qu’elle procure à l’humanité. À ce titre, mon message traite autant de l’impact qu’aurait ce projet sur les espèces de la région que de son incidence sur moi-même et ma famille.
En tant que personne profondément attachée à cette région, je m’oppose au projet d’Enbridge à cause des effets négatifs qu’il aura sur les écosystèmes et le mode de vie de l’endroit.
Comme Canadien, je m’inquiète de la façon dont les efforts visant à faire passer cet oléoduc ne cessent de subvertir des pratiques qui sont au cœur même de l’identité des Canadiens.
Permettez-moi de vous en donner un exemple et de vous parler des récifs et jardins d’éponges. Avant de lire la proposition de projet, je ne savais pas qu’il pouvait y avoir un jardin d’éponges sous la mer à l’endroit même où l’on projette de construire le terminal. Le promoteur déclare que ces éponges sont négligeables parce qu’elles ne constituent pas un récif. D’autres experts m’ont expliqué qu’en se fondant sur cette soumission, il est fort probable qu’il s’agisse d’un jardin d’éponges en eaux peu profondes. Je sais qu’il n’y a que trois autres endroits, en Colombie-Britannique, où existent de tels jardins d’éponges et j’aimerais bien les voir un jour, car non seulement sont-ils rares, mais ces milieux ont tendance à constituer des habitats très productifs pour le sébaste. Cet exemple révèle un seul écosystème parmi tant d’autres dont on ignorait jusqu’ici l’existence. Quels autres écosystèmes ou espèces avons-nous oubliés?
Je ne vois pas comment on peut affirmer qu’il en va de l’intérêt du pays quand on ne sait même pas ce qui sera détruit. Je m’inquiète de voir que ce projet n’a pas tenu compte de l’effet funeste qu’il aura sur la capacité des espèces à s’adapter aux changements climatiques. Et à cet égard, je m’inquiète pour une région bien plus vaste que celle touchée par l’exemple précédent, car je vois combien peu d’attention les promoteurs ont accordé à l’adaptation climatique dans leur projet.
Si l’on veut que la région garde l’immense richesse d’espèces qu’elle possède, une des plus importantes stratégies de planification consiste à protéger les couloirs de migration nord-sud. Ces axes sont semblables aux couloirs de migration déjà évoqués devant la commission à propos de certains animaux comme le caribou inscrit à la liste des espèces en péril. Ces couloirs diffèrent cependant en ce qu’ils ne constituent pas des lieux de passage migratoire historiques, mais représentent plutôt des tentatives inédites, chez certaines espèces, de trouver de nouvelles zones où les changements climatiques ont récemment créé des conditions pouvant supporter les espèces éprouvées par ces changements. En coupant le territoire d’est en ouest, cet oléoduc dresserait un obstacle important sur la route des futures migrations.
À mon avis, ces deux exemples mettent en évidence l’insuffisance des efforts déployés par le promoteur pour comprendre les effets potentiels de son projet, des incidences les plus circonscrites localement aux impacts à l’échelle de tout un territoire.
Je m’inquiète enfin du fait que le projet, la commission d’examen et le processus dans son ensemble ont perdu la confiance de la population et ne pourront plus obtenir l’approbation des Britanno-Colombiens. D’aussi loin que je me souvienne, nos communautés côtières se sont toujours méfiées de notre gouvernement fédéral. C’est bien triste, mais la façon dont ce projet se développe ne fait qu’aggraver les choses. Qui plus est, les tactiques autoritaires comme celle de restreindre la participation du public aux audiences de la commission minent encore davantage la confiance des gens.
À ce stade, la seule option que j’envisage pour la commission est de recommander l’interruption du projet jusqu’à ce que son promoteur ait regagné la confiance des citoyens de l’endroit.
Membres de la commission, vous marchez sur un terrain miné d’enjeux sacrés pour les Canadiens. Alors, je vous le demande, s’il vous plaît, marchez prudemment.

(c) Natalie Bowes/WWF-Canada