La réalité du « leadership » canadien en matière climatique

Les dirigeants de sociétés d’exploitation des sables bitumineux et les politiciens canadiens peaufinent leur discours auprès des membres du Congrès, à l’heure où se joue le sort du projet Keystone XL. Leur plus grand défi consiste à expliquer comment l’oléoduc peut être à la fois crucial pour l’industrie pétrolière nord-américaine, et sans conséquence, ou à peu près, sur le volume d’émissions de gaz à effet de serre.
Parmi les personnes qui discutent ferme avec les législateurs étatsuniens, mentionnons Joe Oliver, ministre fédéral des Ressources naturelles, dont les déclarations sont aussi aberrantes que troublantes. Notre ministre a en effet déclaré le 6 mars dernier au Globe and Mail que le Canada est un chef de file mondial en matière d’environnement… et oui, cela comprend les sables bitumineux! Voilà une affirmation aussi étonnante que trompeuse venant d’un représentant du pays qui a reçu la quasi-totalité des prix fossiles de l’année aux dernières rencontres des Nations-Unies sur le réchauffement climatique.
Ajoutons à la triste feuille de route du Canada en matière de réchauffement climatique son désistement du Protocole de Kyoto en 2012, ce qui lui avait attiré les critiques de la communauté internationale. En outre, non seulement le Canada est-il loin d’être sur la voie d’atteindre même les insignifiants objectifs de réduction des émissions de GES fixés pour 2020, mais les récents projets de loi mammouths du gouvernement fédéral ont foulé aux pieds notre législation environnementale et des décennies de progrès.
Mais pire encore que ces échecs, on tente de réduire au silence tout mouvement préconisant des mesures réelles pour contrer les changements climatiques et renouveler notre économie. Des mesures comme l’élimination de la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie et les coupures drastiques opérées dans les communications des chercheurs et scientifiques du gouvernement sont extrêmement inquiétantes. De fait, ces mesures rendent à toutes fins utiles impossible un débat honnête, éclairé et sincère sur le réchauffement climatique.
Le laïus du ministre Oliver sur le projet Keystone regorge d’inexactitudes qu’aucun fondement scientifique sérieux et dialogue honnête n’autoriseraient. Ainsi a-t-il déclaré récemment au Business Council de la Colombie-Britannique, pour le rassurer sans doute, que le bitume dilué flotte; cette affirmation était soi-disant fondée sur le déversement en 2007 dans la baie Burrard, alors qu’on sait qu’il ne s’agissait pas de bitume dilué! Non content de cette affirmation, M. Oliver a déclaré dans une entrevue accordée à Evan Solomon de la CBC que la population pourrait boire l’eau des étangs de résidus une fois que ceux-ci auront été nettoyés. Or, l’Office de conservation des ressources de l’Alberta, le Energy Resources Conservation Board, n’est lui-même pas convaincu que ces soi-disant lacs de Kettle seront appropriés à l’utilisation, et encore moins que leur eau sera potable. Mais n’importe, M. Oliver a affirmé que les terres où sont actuellement exploités les sables bitumineux seront remises en état et que les sols redeviendront ce qu’ils étaient avant, alors que toutes les données scientifiques démontrent que le territoire post-industriel n’aura pratiquement rien à voir avec son état original.

Dave Burkhart / WWF-Canada

© Dave Burkhart/ WWF-Canada

Comment ne pas s’inquiéter lorsqu’on entend des déclarations aussi farfelues, qui avancent des faits complètement non avérés? C’est l’avenir de notre pays et de notre planète qui est en jeu et que l’on traite avec une telle désinvolture. On s’apprête à prendre des décisions importantes au sujet d’investissements massifs dans des infrastructures qui favoriseront l’intensification de l’exploitation des sables bitumineux, ce sont là des décisions qui ne doivent pas être abordées à la légère. Si l’on veut que le Canada ait la moindre chance d’atteindre les objectifs mêmes les plus faibles de réduction des émissions de GES, encore faut-il que les projets à l’étude soient envisagés dans cette perspective, et évalués parallèlement à des projets d’investissement dans les énergies renouvelables.
Toutes ces questions devraient être traitées dans le cadre d’une stratégie énergétique nationale, une stratégie qui admettrait la réalité du réchauffement climatique. En se privant d’une stratégie énergétique et climatique, le Canda joue à la roulette russe avec son économie, sa crédibilité, ainsi qu’avec son héritage et son avenir. Il serait grand temps que notre gouvernement admette que la position de superpuissance énergétique exige du leadership en matière climatique, et que cela doit se traduire par des mesures cohérentes. La première de ces mesures étant de faire face à la réalité.
À l’occasion de l’édition 2013 d’Une heure pour la Terre, demandez au gouvernement du Canada de regarder la réalité en face et de faire du Canada un vrai chef de file en matière d’environnement. Voici quelques idées de tweet :
@joeoliver1 Regardez la réalité en face et faites du Canada un vrai leader environnemental! Agissez maintenant! https://blog.wwf.ca/?p=15323 #earthhour
@joeoliver1 Superpuissance énergétique = leadership climatique. Agissez maintenant! https://blog.wwf.ca/?p=15323 #earthhour
@joeoliver1 Agissons sur le climat et soyons de vrais leaders en matière énergétique. Soyez réaliste et agissez maintenant! https://blog.wwf.ca/?p=15323 #earthhour