Plaidoyer final dans le dossier du projet d’oléoduc Northern Gateway

Des écosystèmes, de l’économie et des communautés le long des côtes de la région du Grand Ours, voici ce que dit Art Sterrit : « Cette région n’est pas notre arrière-cour. Elle fait partie intégrante de notre nature, de ce que nous sommes. » Ce sont ces paroles que j’ai en tête tandis que je monte à bord de l’avion qui m’emmènera de Vancouver à Toronto où m’attendent des réunions. Aujourd’hui, la Commission d’examen conjoint chargée d’étudier le projet d’oléoduc Northern Gateway – dont le tracé scindera en deux la région du Grand Ours – doit entendre les derniers intervenants dans ce dossier, et je ne peux m’empêcher de remercier en pensée toutes les personnes, tous les organismes, tous les groupes qui prendront le temps cette semaine de présenter leur plaidoyer final et de répondre aux arguments des défenseurs de ce projet.
Kermode and American black bears, Great Bear Rainforest, British Columbia, Canada
Ours Kermode et Ours noir, deux des nombreux habitants de la forêt pluviale du Grand Ours, Colombie-Britannique. (C) Natalie Bowes, WWF-Canada
Le mémoire préparé par les Premières Nations de la Côte à la Commission, présenté par Art Sterrit lundi dernier, fait écho à plusieurs arguments mis de l’avant par d’autres organismes, et que partage le WWF. En résumé, les risques que pose le projet aux écosystèmes côtiers, à la faune, aux économies et aux communautés de l’ensemble de la région sont énormes, alors que les avantages – pour la région côtière, pour la Colombie-Britannique, pour le Canada – sont minimes. Dans le cadre de son exposé, Art Sterrit a souligné également l’obligation juridique de reconnaître et respecter les droits et titres de propriété des Premières Nations, questions qui n’ont pas été abordées. « Ce projet, conclut-il, ne sert pas l’intérêt public et il doit être rejeté. »
Voilà une position claire et ferme, que le WWF-Canada endosse sans hésitation. Mais ce sont les paroles suivantes qui m’ont frappée et me restent en tête : « Cette région fait partie intégrante de qui nous sommes. » Cela est certainement vrai pour les Premières Nations de la Côte dont le passé, le présent et l’avenir sont façonnés par ce territoire et par le travail qu’elles ont accompli pour développer une économie florissante qui soutienne en même temps le formidable capital naturel de cette zone marine. Et cela est vrai aussi – dans un sens plus large – pour nous tous.
En définitive, les choix que nous faisons, en l’occurrence ce que nous déciderons de faire pour protéger – ou non – la région du Grand Ours, un joyau naturel du Canada, mais également l’un des plus riches et spectaculaires écosystèmes sur terre, participent du sens que nous donnons à la survie de notre héritage naturel. Les choix que nous ferons et les voies que nous suivrons pour nous attaquer aux enjeux urgentissimes du réchauffement climatique, pour diversifier notre économie nationale et notre stratégie énergétique afin de nous détourner enfin du cul-de-sac des exportations de bitume brut, sont intrinsèquement liés à notre prospérité collective future et aux possibilités qui s’offriront à nous dans ce monde en en plein bouleversement.
Les questions et les enjeux entourant ce projet débordent largement de la simple gestion de notre « arrière-cour », d’une région éloignée et sauvage au nord de la Colombie-Britannique. Elle fait partie intégrante de ce que nous sommes et de qui nous voulons devenir.