Retour sur le discours du président Obama sur les changements climatiques

Dans un discours qu’il a prononcé le 25 juin à l’université de Georgetown, le président des États-Unis a dévoilé un nouveau plan de lutte aux changements climatiques, mettant l’accent sur la nécessité de prendre des mesures pour atténuer les impacts dangereux auxquels nous sommes actuellement confrontés et pour réduire les risques sérieux qui nous menacent à l’horizon. « La question n’est pas de savoir si nous devons agir, a déclaré le président, mais plutôt de savoir si nous aurons le courage d’agir avant qu’il ne soit trop tard. »
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© AP
Même si les propos d’Obama ne vont pas jusqu’à exiger les actions draconiennes qui s’imposent, selon les scientifiques, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, il faut reconnaître que ses ambitions et sa détermination sont réconfortantes, surtout si on les compare à l’inertie qui prévaut actuellement à cet égard au Canada. Barack Obama s’engage à employer tous les pouvoirs exécutifs dont il dispose, peu importe l’opposition au sein du Congrès. De son côté, le premier ministre Harper semble déterminé à en faire le moins possible malgré l’appui généralisé de la population et des entreprises en faveur de solutions comme la tarification des émissions de carbone. En réalité, notre gouvernement fédéral se précipite dans la direction opposée à celle des États-Unis : il se traîne les pieds dans le dossier de la réglementation du pétrole et du gaz, affaiblit les lois environnementales et investit massivement dans l’expansion rapide de l’exploitation des hydrocarbures et le développement des infrastructures connexes.
Pourtant, au Canada, nous avons nous aussi la possibilité de mener la lutte aux changements climatiques. Nous disposons d’un potentiel enviable, à l’échelle mondiale, de production d’énergie renouvelable; nous possédons les compétences et le savoir-faire techniques, de même que les capacités manufacturières, pour en tirer profit. Nous pourrions et devrions avoir une stratégie énergétique plus visionnaire et responsable que cette exploitation intensive de nos ressources de combustibles fossiles pour les exporter partout dans le monde. Comme l’a fait remarquer le président Obama, la lutte aux changements climatiques est la voie à suivre pour assurer non seulement la santé de la planète, mais aussi la prospérité de l’économie. Les inondations catastrophiques de Calgary, cette semaine, nous rappellent brutalement que l’économie ne peut être en santé si le climat n’est pas stable.
C’est dans cet esprit que je vous propose quelques extraits du discours de Barack Obama :
« À la veille de Noël, en 1968, les astronautes d’Apollo 8 ont transmis des images en direct de leur orbite lunaire. Frank Borman, Jim Lovell et William Anders – les premiers humains à faire le tour de la Lune – ont alors décrit ce qu’ils voyaient […] et plus tard, ce soir-là, ils ont pris une photo qui allait changer à jamais notre façon d’appréhender notre monde.
C’était une photo de la Terre – magnifique, à couper le souffle – une bille lumineuse d’océans bleus, de forêts vertes et de montagnes brunes, balayée de nuages blancs et se levant au-dessus de la surface lunaire.
La vue de notre planète à partir de l’espace peut vous sembler banale, aujourd’hui, mais imaginez ce que ça signifiait pour nous tous qui voyions notre foyer, notre planète, pour la première fois. Imaginez ce que l’enfant que j’étais alors voyait […].
Vers la même époque où nous commencions à explorer l’espace, des scientifiques étudiaient les changements qui se produisaient dans l’atmosphère terrestre. L’on savait depuis le XIXe siècle que les gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone emprisonnaient la chaleur, et aussi que le fait de brûler des combustibles fossiles libérait ces gaz dans l’atmosphère. Rien de neuf là-dedans. Mais à la fin des années 1950, le Service météorologique national a commencé à mesurer les niveaux de dioxyde de carbone dans notre atmosphère, car l’on craignait que leur augmentation puisse un jour dérégler l’équilibre fragile qui rend notre planète si hospitalière. Et ils ont constaté qu’année après année, les niveaux de pollution carbonique dans l’atmosphère augmentaient énormément.
Ces données scientifiques accumulées et analysées pendant des décennies nous indiquent que notre planète est en train de changer et que ces changements auront de profonds effets sur toute l’humanité […].
Ici, en Amérique, l’année 2012 a été la plus chaude de notre histoire. Les fermes du Midwest ont subi les pires sécheresses depuis le dust-bowl, puis ont été inondées par un printemps de pluies records. Dans l’Ouest, des feux hors de contrôle ont brûlé une région plus grande que le Maryland. Et la semaine dernière, une vague de chaleur a frappé l’Alaska, faisant grimper les températures au-delà de 90 ˚F [32 ˚C]. Nous savons ce que coûtent ces phénomènes en vies humaines perdues et en gagne-pains disparus, en maisons rasées et en entreprises rayées de la carte, sans compter les centaines de milliards de dollars déboursés en services d’urgence et en secours aux sinistrés […].
Je refuse de condamner votre génération et celles qui suivront à hériter d’une planète irréparable. C’est pourquoi j’annonce aujourd’hui un nouveau plan d’action national pour le climat, et je suis venu ici pour mobiliser l’aide de votre génération afin de garder aux États-Unis d’Amérique leur rôle de chef de file mondial de la lutte aux changements climatiques […].
Ce plan d’action consiste d’abord à réduire la pollution carbonique en modifiant nos habitudes énergétiques – en utilisant moins d’énergies sales, en se servant davantage d’énergies propres, en gaspillant moins d’énergie dans tous les secteurs de notre économie […].
Aujourd’hui, près de 40 pour cent de la pollution carbonique des États-Unis émane des centrales électriques au charbon. Et en ce moment, il n’existe aucune limite imposée par le gouvernement fédéral aux quantités d’émissions carboniques que ces centrales peuvent pomper dans notre air. Aucune limite, zéro […].
Aujourd’hui, donc, pour l’amour de nos enfants, pour la santé et la sécurité de tous les Américains, je demande à l’Agence de protection environnementale  de mettre fin au rejet illimité de pollution carbonique par nos centrales et d’établir de nouvelles normes de pollution pour les nouvelles centrales et celles qui existent déjà […].
Une économie sobre en carbone, fondée sur les énergies propres, peut devenir un moteur de croissance pour des décennies à venir. Et je veux que l’Amérique construise ce moteur. Je veux que l’Amérique bâtisse cet avenir ici même, aux États-Unis d’Amérique. C’est notre tâche.
Maintenant, je veux m’assurer que tout le monde comprend bien une chose : cela ne veut pas dire que nous allons arrêter subitement de produire des combustibles fossiles. Notre économie ne tournerait pas bien si c’était le cas. Et la transition vers une économie propre en matière d’énergie prend du temps […], mais notre stratégie énergétique doit se fonder sur autre chose que la production accrue de pétrole. Et incidemment, ça doit certainement dépendre de bien plus que de la construction d’un seul pipeline […].
La technologie soutenue par le gouvernement fédéral a aidé nos entreprises à forer de manière plus efficace et à extraire davantage de gaz naturel. Nous allons continuer de collaborer avec l’industrie pour faire en sorte que les forages soient plus propres et sûrs, pour nous assurer qu’il n’y a pas d’émissions de méthane et pour faire travailler nos gens à la modernisation de nos infrastructures gazières afin de fournir une énergie plus propre à un plus grand nombre de maisons et d’entreprises […].
Ce qui m’amène au deuxième moyen de réduire la pollution carbonique – en utilisant davantage d’énergies propres […]. Le plan que j’annonce aujourd’hui va nous aider à doubler la quantité d’énergie tirée du vent et du soleil. Je demande aujourd’hui au Département de l’intérieur d’autoriser le déploiement sur des terres publiques, par le secteur privé, de capacités suffisantes de production d’énergie renouvelable pour alimenter plus de 6 millions de foyers d’ici 2020 […].
Cependant, étant donné que des milliards de vos dollars fiscaux servent toujours à subventionner quelques-unes des sociétés les plus rentables de l’histoire mondiale, mon budget fait encore appel à la collaboration du Congrès pour qu’il mette un terme aux allégements fiscaux dont bénéficient les grandes compagnies pétrolières et qu’il accepte d’investir dans les sociétés d’énergies propres qui propulseront notre avenir.
La troisième façon de réduire notre pollution carbonique consiste à gaspiller moins d’énergie – dans nos voitures, dans nos maisons, dans nos entreprises. Les normes de consommation de carburant que nous avons établies ces dernières années se traduiront, vers le milieu de la prochaine décennie, par des véhicules qui iront deux fois plus loin pour chaque litre d’essence brûlé […]. D’ici quelques mois, nous allons nous associer aux fabricants de camions pour faire de même avec la prochaine génération de véhicules […].
Mais, comme tous ceux qui sont ici aujourd’hui le comprennent, aucun pays ne peut relever ce défi à lui seul – même pas un pays aussi puissant que le nôtre. Voilà pourquoi le dernier volet de notre plan exige que les États-Unis d’Amérique […] prennent la tête du peloton et mènent les efforts internationaux de lutte aux changements climatiques […].
Je demande aujourd’hui que cesse tout financement public de nouvelles centrales au charbon à l’étranger si elles ne mettent pas en œuvre des technologies de capture du carbone, ou s’il s’agit de la seule façon de produire de l’électricité pour les pays les plus pauvres. Et je prie instamment les autres pays de se joindre à nous dans cette campagne.
Je demande également à mon administration d’amorcer des négociations visant la création d’un mécanisme de libre-échange mondial pour les produits et services environnementaux, y compris les technologies d’énergies propres, afin d’aider un plus grand nombre de pays à sauter par-dessus la phase sale du développement pour se joindre à une économie mondiale sobre en carbone […].
Finalement, mon administration entend multiplier ses efforts pour amener nos partenaires internationaux à conclure un nouvel accord mondial de réduction de la pollution carbonique grâce à des mesures concrètes […].
Voilà mon plan […]. Un jour, nos enfants et nos petits-enfants nous regarderont droit dans les yeux pour nous demander si nous avons fait tout ce que nous pouvions quand l’occasion nous était donnée de régler ce problème et de leur léguer un monde plus propre, plus sûr et plus stable. Je veux être en mesure de leur répondre : “Oui, nous l’avons fait.” N’est-ce pas ce que vous voulez, vous aussi? […] »