Comme l’eau vive – la production d’énergie propre en Colombie-Britannique

À cette période de l’année, les rivières de la Colombie-Britannique sont gonflées par le ruissellement printanier et coulent à flots. La production d’hydroélectricité bat également son plein, comme j’ai pu le constater lors de ma visite de la centrale Ashlu Creek d’Innergex, au nord de Squamish la semaine dernière.
Après avoir passé quelques heures à plancher sur le libellé de Principes communs d’une économie écoénergétique (en anglais seulement) avec les partenaires du forum sur l’énergie, dont Innergex,  je n’allais pas rater l’occasion de visiter une de leurs centrales en exploitation.

Linda-Tour-1Craig Orr et Aaron Hill de Watershed Watch, Linda Nowlan du WWF-Canada, et Matt Kennedy d’Innergex.
Photo : Colleen Giroux-Schmidt.

Les centrales hydroélectriques au fil de l’eau se multiplient rapidement en Colombie-Britannique, et l’on doit veiller à l’équilibre entre les bénéfices sur le plan climatique, évidents, et les impacts de l’exploitation des cours d’eau (en anglais seulement).
Mais laissez-moi d’abord vous expliquer un peu le contexte. Le projet d’Ashlu Creek a été construit aux abords d’un chemin forestier, sur une belle rivière de kayak en eau vive regorgeant de truite et de saumon. Les résidents ont été indignés lorsque le refus de l’administration locale de rezoner le lieu a été renversé par une loi provinciale adoptée à toute vapeur, et la mortalité massive de poissons observée après la construction de la centrale en 2010 n’a pas aidé. Plus récemment, la compagnie a fait l’objet de vives critiques à la suite d’un examen de surveillance des habitats réalisé par le ministère des Pêches et Océans (MPO), dans le rapport intitulé Review of Habitat Monitoring at Twenty-Two Independent Power Projects (en anglais seulement), bien qu’Innergex affirme se conformer aux exigences du Protocole de surveillance à long terme des projets hydroélectriques nouveaux et mis à niveau mis en place par le MPO.
La modification des débits constitue le principal souci entourant ces centrales. Comme le souligne l’important avis scientifique émis récemment par le MPO, « Les ouvrages scientifiques appuient le fait que les régimes de débit naturels sont essentiels au soutien de la santé des écosystèmes fluviaux et des pêches qui en dépendent. » Or, ces écosystèmes « sont exposés à un risque accru en raison de l’accroissement des modifications aux régimes de débit naturels ».
Nous avons donc posé beaucoup de questions sur les modifications apportées aux débits dans le cadre du projet d’Ashlu Creek. La compagnie accorde beaucoup d’importance à la gestion des débits, et a adopté de nombreuses mesures afin de répondre aux impératifs sociaux et environnementaux à cet égard. L’ouvrage comprend d’abord une retenue d’amont artificielle, plus petite qu’un grand réservoir de barrage traditionnel. Cette retenue sert à faire dévier l’eau et à l’envoyer dans un tunnel de 4 km creusé dans le roc de la montagne, et déverse l’eau dans les trois turbines de la centrale. Lors de notre visite, le débit était de 60 m³/s en raison des eaux de ruissellement du printemps, mais la compagnie est tenue de maintenir un débit de 2,42 m³/s à l’année.
Le projet comporte quelques caractéristiques vraiment spéciales et dignes de mention.

  • Une échelle à poissons a été installée au lieu de prise d’eau, et elle est couverte afin d’empêcher les poissons de « se suicider » en sautant hors du chenal qui leur est aménagé, et de protéger les poissons contre les oiseaux prédateurs. Environ 1 000 truites arc-en-ciel ont été marquées et l’on peut ainsi assurer un suivi de la santé de cette population. Selon Innergex, on compte à ce jour autant de poissons dans Ashlu Creek qu’avant la construction du barrage.
  • Un système de dispersion d’énergie fait office d’énorme amortisseur pour contrer le choc causé par l’immense volume d’eau passant par les conduites en direction des turbines. Ce système, qui se vend aujourd’hui partout sur la planète, permet de procéder à une modification contrôlée et progressive du débit de l’eau dans le cours d’eau, ce qui est mieux pour les poissons et les kayakeurs.
  • Innergex a construit plus de 50 000 mètres carrés d’étangs et de canaux servant d’habitats aux poissons, pour compenser la perte d’habitat ou les habitats endommagés pendant la construction du projet et son exploitation. Nous avons fait à pied le tour des étangs et canaux – baptisés Spirit, Black Bear, Toad et Crow’s Nest – où vivent des populations de saumon rose et coho, de truite arc-en-ciel et 40 autres espèces animales.
  • La compagnie a conservé l’accès aux kayaks pour les kayakistes locaux et a proposé des accommodements novateurs à ces fous de l’eau – journées d’activités organisées au cours desquelles des débits précis sont prévus et centre d’information sur le site Web de la compagnie à l’intention des usagers récréatifs.

Linda-Tour-2Linda Nowlan du WWF-Canada, et Matt Kennedy d’Innergex.
Photo : Craig Orr

Les bénéfices de cette approche pour le climat sont évidents. La centrale fournit l’électricité suffisante pour alimenter 24 000 foyers à l’année. Selon la compagnie, une centrale de production équivalente, mais alimentée au charbon produit environ 219 000 tonnes de GES. La centrale d’Ashlu Creek, elle, produit zéro émission (il faut cependant tenir compte des émissions produites au cours des phases de construction, d’entretien et de désaffectation de la centrale).
La méthode de production d’électricité en centrale au fil de l’eau a été classée comme la moins perturbante sur le plan environnemental, selon une étude effectuée par la Ontario Power Authority de 14 méthodes de production d’électricité (en anglais seulement).   Bien sûr, il reste beaucoup à faire dans un secteur reconnu pour avoir bien souvent enfreint les règles entourant l’utilisation de l’eau sans avoir à ce jour subi de répercussions,  selon les conclusions d’une étude provinciale (en anglais seulement). Les progrès sont tout aussi lents, semble-t-il, en ce qui touche à l’évaluation des impacts cumulatifs de l’exploitation de plusieurs centrales au fil de l’eau, mais la recherche travaille à combler cette lacune (en anglais seulement).
Voilà une source d’énergie propre qui propose une avenue très écoénergétique!
Merci à Innergex pour la visite!