Combien, pour les Virunga?

Écrit par Toby Roxburgh, conseiller en affaires économiques, WWF-Royaume-Uni
Notre appétit insatiable pour le pétrole nous fait graduellement nous tourner, à des fins d’exploration, vers des lieux autrefois considérés « intouchables », des endroits parmi les plus uniques, importants et fragiles au monde – l’Arctique, comme on sait, et maintenant le parc national des Virunga en République démocratique du Congo (RDC).
Le parc des Virunga est un véritable joyau du patrimoine naturel de l’Afrique. Outre qu’il s’agit du plus ancien parc national du continent africain, il figure sur la liste des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO ainsi que sur celle des sites humides d’importance internationale en vertu de la Convention Ramsar. Le parc regroupe une grande variété d’habitats – forêts, savanes, rivières, lacs, marécages, volcans en activité et glaciers permanents – et abrite plus d’espèces de mammifères, reptiles et oiseaux que toute autre zone protégée en Afrique. C’est dans le parc des Virunga que l’on trouve environ 25 pour cent des 880 gorilles de montagne restants à l’état sauvage, une espèce au statut plus que précaire.

Femmes récoltant de pommes de terre près du village de Boukima, parc national des Virunga, République démocratique du Congo, AfriqueRécolte de patates près du village de Boukima, parc national Virunga, RDC
© naturepl.com / Eric Baccega / WWF-Canon

Le parc revêt par ailleurs une importance considérable sur les plans économique et social. En effet, il est source de nourriture et de matières premières, accueille du tourisme et des activités récréatives, fournit de l’eau potable et de l’hydroélectricité, et agit comme puits de carbone, entre autres. Les conséquences d’activités d’exploration pétrolière dans les alentours du parc seraient désastreuses, et pourraient menacer une croissance économique future et le bien-être des collectivités de la région. Voilà une avenue que le Fonds mondial pour la nature est loin de favoriser.
Notre nouveau rapport étudie le potentiel de valeur économique du parc des Virunga suivant un scénario de rechange – un de gestion durable et de meilleure gouvernance régionale – afin de mieux évaluer les enjeux sur la table.

Gorille de montagne, le parc national des Volcans, RwandaGorille de montagne (Gorilla gorilla beringei) du groupe Susa, Parc national des Volcans, Rwanda
© naturepl.com / Andy Rouse / WWF-Canon

Valeur économique totale
Le rapport adopte l’approche de la valeur économique totale, qui prend en compte toute l’étendue des manières dont la nature procure des bénéfices aux populations humaines, et établit la distinction entre ce que l’on appelle la valeur d’usage et la valeur de préservation. La valeur d’usage est dérivée de ce que la nature contribue à la production ou à la consommation humaines, soit directement (nourriture, matières premières), soit indirectement par le biais des divers écoservices rendus (prévention de l’érosion causée par les eaux de ruissellement ou régulation du climat grâce aux forêts).
Toutefois, la nature n’a pas besoin d’être utilisée pour avoir une valeur pour les humains. Nombreux sont ceux qui accordent de la valeur à certains aspects de l’environnement dont ils ne serviront pourtant jamais ou qu’ils ne verront peut-être jamais, et qui ne jouent alors aucun rôle de soutien de la production économique ou de la consommation. C’est ce qu’on appelle la valeur de préservation.
Préservation de quoi?
La valeur de préservation est un concept qui peut sembler intangible, voire abstrait, mais on ne peut nier son existence. La valeur de préservation répond à diverses motivations. Par exemple, certaines personnes accordent de la valeur au simple fait de savoir qu’une « ressource » de l’environnement – une antilope rare ou un gorille de montagne – existe toujours, même si elles n’ont aucune intention d’« utiliser » cette ressource (valeur d’existence). D’autres accorderont de la valeur à la pérennité de cette « ressource » – un paysage fabuleux ou un parc naturel – dans l’éventualité d’un usage futur (valeur d’option). Une partie de la motivation peut être liée au désir de préserver la ressource – un environnement sain ou un site important sur le plan culturel ou spirituel – pour les générations futures (« valeur de transmission »).
La valeur de préservation semble être plus élevée lorsqu’elle est attribuée à des ressources naturelles importantes, uniques, rares ou emblématiques – comme celles du parc des Virunga. La valeur de préservation est ce qui motive les gens à faire des dons et signer des pétitions pour sauver de l’extinction des espèces menacées comme le panda géant, les tigres et les baleines, même s’ils ont peu de chances de voir une de ces espèces ou de tirer un avantage concret de leur survie.
Or c’est cette valeur de préservation qui pourrait jouer le plus en faveur de l’adoption de politiques de sauvegarde du parc des Virunga. Même si une fraction marginale de la valeur de préservation du parc et de ses ressources pouvait être utilisée et convertie en revenu, cela pourrait agir comme puissant incitatif pour la sauvegarde du parc, pour le gouvernement de la RDC et pour les résidents de la région.
Cela représente un formidable défi d’élaborer des politiques et des mécanismes qui permettront à la RDC de « débloquer » la valeur de son parc d’une manière durable, mais nous croyons que c’est là la meilleure voie.
Voilà pourquoi nous faisons appel à vous et vous demandons d’appuyer notre demande de sauver les Virunga. Informez vos parents et amis et invitez-les à joindre leur voix à la vôtre pour que tous ensemble, nous puissions sauver ce parc unique.