Le Canada peut relever le défi climatique s’il s’y met

Aujourd’hui, 800 scientifiques du monde entier ont confirmé que les humains sont responsables des dérèglements climatiques qui menacent la planète, et que leurs impacts sur les humains et la nature seront graves et envahissants. Ils se sont exprimés dans le cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié ce matin en Suède. Ce bilan est la plus solide analyse à ce jour du phénomène des changements climatiques, l’étude qui fait maintenant autorité en la matière.
Le message du GIEC doit être pris très au sérieux par tous. La menace à la vie sur Terre – nos écosystèmes, notre faune et nos collectivités humaines – est claire, l’échéance approche.
Alors que l’énergie du charbon, du pétrole et du gaz a alimenté d’énormes gains industriels et économiques au cours du siècle dernier, nous constatons maintenant que notre consommation effrénée de combustibles fossiles met en péril ces mêmes gains et la qualité de vie sur Terre. Heureusement, bien que la menace soit plus évidente que jamais, les solutions le sont tout autant. En gros, nous devons modifier nos façons de produire et d’utiliser l’énergie.
Wind turbines, Middelgrunden Wind Park, Copenhagen, Denmark
Le parc d’éoliennes marin Middelgrunden, au large de Copenhague, au Danemark
© National Geographic Stock / Sarah Leen / WWF
Le Canada peut mener la charge et être le champion de ce changement dont a besoin notre planète au XXIe siècle. Mais si notre pays veut relever le défi climatique, il nous faut changer de voie rapidement. La première embûche est le fossé qui nous éloigne des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) – principale cause des changements climatiques – établies pour 2020 par le gouvernement fédéral; un fossé que nous devons immédiatement combler.
Selon les données récentes d’Environnement Canada, au rythme où vont les choses, le Canada n’arrivera qu’à mi-chemin de cet objectif en 2020, soit un écart d’environ 113 millions de tonnes de GES par année. C’est plus que le total des émissions de notre secteur de l’électricité, plus que les émissions combinées de toutes les voitures au pays. Ce ne sera pas facile de combler ce fossé, mais nous devons absolument le faire et nous le pouvons.
Le WWF-Canada, comme bien d’autres groupes et personnes, estime que la meilleure approche pour régler ce problème passe par une stratégie nationale de l’énergie élaborée par les villes et les provinces en partenariat avec le gouvernement fédéral. Pour guider le Canada sur la voie de la sécurité énergétique et climatique, cette stratégie doit tenir compte des cinq priorités suivantes :

  1. Réévaluer la croissance projetée du secteur canadien des hydrocarbures en fonction des cibles climatiques que le pays s’est données. On peut difficilement imaginer un scénario où la production des sables bitumineux peut tripler d’ici 2030 (comme le prévoit l’industrie) et où le Canada atteint quand même ses objectifs de réduction des GES. En outre, les infrastructures associées aux combustibles fossiles, comme les oléoducs proposés en ce moment, sont conçues pour durer des décennies, ce qui nous engage pour longtemps dans l’ornière de l’économie à haute teneur en carbone. Il faut peser soigneusement les risques économiques à long terme, de même que les risques écologiques, des investissements dans les combustibles fossiles avant de nous engager plus avant sur la voie actuelle.
  2. Mettre en place une réglementation de l’industrie des hydrocarbures stimulant les innovations qui permettront de combler l’écart des émissions. Le gouvernement fédéral a des années de retard à ce chapitre. Il n’y a plus de temps à perdre, il faut dès maintenant libérer le potentiel créatif de notre secteur énergétique et aiguillonner sa capacité de réduire les émissions de cette source de GES qui connaît la plus forte croissance au Canada.
  3. Augmenter considérablement la conservation d’énergie dans les immeubles en soutenant les initiatives de réhabilitation thermique des édifices existants et en établissant des codes du bâtiment fondés sur les normes les plus rigoureuses pour les nouvelles constructions. L’augmentation de l’efficacité énergétique est une condition préalable à la transition vers les énergies sobres en carbone. Des normes de construction strictes, combinées à d’ambitieux programmes d’appui à la réhabilitation thermique de notre environnement bâti, donneront des résultats en matière de conservation dans l’ensemble de notre économie – sans compter les factures d’énergie moins salées.
  4. Utiliser des signaux de prix favorisant les solutions sobres en carbone, tels qu’un prix sur les émissions de gaz carbonique et des mesures incitatives à l’investissement dans les énergies renouvelables. En réduisant les subventions et autres mesures incitatives absorbées par le secteur des combustibles fossiles tout en stimulant le développement des énergies renouvelables, nous favoriserons les solutions nécessaires. Il s’en trouve plusieurs, dans le monde des affaires – comme le Conseil canadien des chefs d’entreprises –, qui appuient la tarification du carbone. La taxe sur le carbone sans incidence sur les recettes, instaurée en Colombie-Britannique, est un modèle qui pourrait s’appliquer à l’échelle nationale.
  5. Investir de manière intensive dans les infrastructures de transport en commun et les moyens de transport électriques alimentés par des réseaux « verts » intelligents. Comme je l’écrivais récemment dans le Globe and Mail, les récents progrès dans le domaine des infrastructures de réseaux peuvent optimiser l’efficacité énergétique de même que le potentiel du Canada en matière d’énergies renouvelables. L’électrification des transports grâce à des réseaux d’énergies « vertes » serait un grand pas vers l’atteinte de nos objectifs climatiques et cela stimulerait du même coup le développement de villes plus agréables à vivre.

Là où le rapport du GIEC s’arrête, notre travail – celui du Canada – commence. C’est un immense défi et notre avenir en dépend. Nous sommes un peuple intelligent, novateur et débrouillard. En effet, des initiatives comme les taxes sur le carbone de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et du Québec, les stratégies climatiques de villes comme Toronto démontrent que les efforts de réduction des émissions de GES sont non seulement possibles, mais qu’ils fonctionnent. Nous avons tout ce qu’il faut pour montrer la voie et devenir les chefs de file mondiaux de la lutte aux changements climatiques. C’est dans notre propre intérêt et dans celui du monde entier qu’il faut agir dès maintenant.