L’épaulard, nouveau résident de l’Arctique

Un nouveau grand prédateur sillonne maintenant les eaux de l’océan Arctique. Profitant du recul des glaces et de l’allongement de la saison des eaux libres, l’épaulard (un grand prédateur dans tous les océans) est de plus en plus nombreux à fréquenter la région.
L’observation d’un nombre croissant d’épaulards confirme ce que j’ai entendu lors de mes dernières visites sur le terrain où le WWF-Canada mène des projets, notamment dans l’ouest de la baie d’Hudson dernièrement. En effet, un groupe d’épaulards avait été vu quelques semaine plus tôt dans la région; je suppose qu’il chassait les bélugas que j’avais observés en eaux libres (et une baleine boréale).

Orque (Orcinus orca); Nordland, NorvègeÉpaulard (Orcinus orca) Tysfjord, Nordland, nord-ouest de la Norvège. © Ronny Frimann/Zine.No / WWF

Il n’est pas étonnant de voir de plus en plus d’épaulards en Arctique, où l’on trouve, de juin à septembre, une grande partie de la population mondiale de mammifères marins qui se déplacent lentement – comme la baleine boréale, le béluga et le narval – et sont des proies faciles pour le puissant et rapide épaulard. Évidemment, ces cétacés bien adaptés à un environnement de glaces, tentent d’éviter la menace que pose l’épaulard en cherchant refuge dans les zones couvertes de glaces, où sa grande nageoire dorsale interdit à l’épaulard de s’aventurer.
La nouvelle d’une présence accrue d’épaulards dans cette région constitue un sujet de recherche important. À la mi-août, des chercheurs du gouvernement du Canada travaillant dans la communauté inuit de Pond Inlet, ont réussi à installer des transmetteurs radio par satellite sur 5 épaulards d’un groupe fréquentant le nord de l’île de Baffin. Jusqu’alors, seuls deux épaulards de l’Arctique canadien avaient pu être munis d’un transmetteur, dont l’un a ainsi été suivi jusqu’aux Açores (au large du Portugal) avant qu’on ne perde sa trace!
Nous espérons que ces 5 épaulards équipés d’un transmetteur nous fourniront de l’information intéressante sur leurs habitudes – une information particulièrement importante au vu des changements rapides touchant l’écosystème de l’Arctique. Il est essentiel que nous sachions où et quand l’épaulard se nourrit, où il met bas, quelle distance il parcourt, les proies qu’il chasse, s’il tolère bien ou pas les saisons en Arctique, etc. Ces renseignements nous aideront à mieux prévoir et planifier en vue de l’évolution des conditions climatiques en Arctique, et à faire en sorte que les zones importantes pour les espèces soient protégées contre les impacts cumulatifs découlant de l’activité industrielle.
L’épaulard n’est toutefois pas la seule espèce dont nous suivions les pérégrinations. Le WWF-Canada mène également un projet de suivi du narval – sous la direction d’un chercheur du gouvernement et des chasseurs inuits de Pond Inlet – et ce projet est un bon exemple d’application de la technologie en conjonction avec le savoir traditionnel, et de collaboration d’équipes intégrées qui cherchent ensemble à répondre à certaines questions fondamentales sur les habitudes des espèces sauvages, leurs déplacements, et sur des zones importantes en Arctique.
Maintenant que ces épaulards ont été équipés de transmetteurs, les données de localisation fourniront de précieux renseignements sur l’usage de l’habitat que fait ce nouveau grand prédateur des eaux arctiques. On voit d’ailleurs sur la carte dressée aujourd’hui et celles de la semaine dernière, que les épaulards prennent la direction du nord et de l’est, et quittent la zone de Prince Regent Inlet – où ils se sont probablement nourris de narval et de baleine boréale (ce que nous pouvons déterminer grâce à ces cartes) – pour se rendre dans les eaux libres de la région de Lancaster Sound.

Trajectoire satellite d'orquesTrajet des épaulards, données recueillies en date du 13 septembre 2013

En Arctique, le couvert de glace commence à se reformer vers la mi-septembre et nous prévoyons donc que les épaulards entreprendront sous peu de quitter la région et s’éloigneront avant la formation des glaces. Les retardataires risquent de se retrouver prisonniers des glaces, comme le groupe qui avait attiré l’attention des médias internationaux en janvier dernier – un rappel brutal que la survie, c’est aussi être au bon endroit au bon moment.
Revenez-nous voir pour suivre le trajet de nos épaulards!