Les scientifiques sont sûrs. Et maintenant, Canada, on fait quoi?

Ils en ont la certitude à plus de 95 %. C’est ce que 800 des plus grands scientifiques du monde nous diront demain matin à propos de leur conviction que ce sont les humains qui provoquent les changements climatiques. Ils sont aussi plus sûrs que jamais des sérieux impacts négatifs que ces changements auront sur la nature, nos économies et la société en général; bref, sur nous tous.
En d’autres mots, ils sont aussi certains que le réchauffement planétaire est une menace réelle, créée par les humains, qu’ils sont convaincus que les cigarettes tuent.
Après 25 années de travail diligent, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est de plus en plus sûr de ce qu’il nous dit depuis le début.
Ce n’est pas un jugement négatif de ma part, bien au contraire : c’est un constat de la rigueur démontrée par le GIEC. On n’a qu’à considérer les efforts qui ont mené à la réalisation de ce Cinquième Rapport d’évaluation, un processus qui a mobilisé 800 rédacteurs citant plus de 9 000 articles scientifiques; le rapport a été examiné par plus de 1 000 experts de 55 pays, dont des représentants de 38 États. Le Résumé à l’intention des décideurs sera approuvé, ligne par ligne, par 195 gouvernements.

Wind turbines, Middelgrunden Wind Park, Copenhagen, DenmarkLes moulins à vent de l’ère moderne : turbines éoliennes du Middelgrunden Wind Park.
© National Geographic Stock / Sarah Leen / WWF

Ce rapport n’est pas seulement l’examen le plus exhaustif à ce jour du phénomène des changements climatiques, c’est probablement l’analyse scientifique la plus complète jamais faite sur n’importe quel sujet.
En plus d’être très claire à propos du processus de dérèglement climatique, la science démontre clairement que les effets de ces changements iront bien au-delà d’une simple hausse des températures. Le niveau des océans monte, et plus vite que prévu. Les modèles de précipitations commencent à s’altérer et en gros, on peut dire que les endroits humides deviendront plus mouillés, tandis que les lieux secs seront plus arides (je compatis avec mes amis de Prince-Rupert et d’Australie-Occidentale). La glace fond, les glaciers reculent, la banquise s’évapore et les océans s’acidifient.
Croyez-le ou non, ce n’est pas un message apocalyptique, c’est un appel à l’action : l’avenir, c’est à nous de le bâtir.
Le GIEC soumet plusieurs scénarios en fonction de différentes « avenues » d’émission de gaz à effet de serre. Selon le scénario optimiste, si nous réduisons nos émissions d’environ 10 % par décennie, la hausse des températures pourrait se limiter à moins de 2 ˚C au-dessus des moyennes préindustrielles (c’est le plafond internationalement reconnu qu’il nous faut éviter). À l’autre bout du spectre, si nous ne faisons rien – si nous continuons d’avancer sur la même avenue – nous risquons d’atteindre un réchauffement de 4 ˚C d’ici 2100. Si ça vous semble peu, sachez que certains scientifiques croient qu’une société mondiale organisée pourrait ne pas survivre à une hausse de quatre degrés.
Alors, comment devrions-nous réagir en tant que Canadiens?
Pour commencer, ce bilan devrait déclencher d’urgence un sérieux débat politique à tous les niveaux sur les manières d’accroitre nos efforts de lutte aux changements climatiques. Ça vaut la peine de le rappeler haut et fort : nous sommes en bonne voie de rater de moitié les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) fixées par le gouvernement fédéral pour 2020. Il nous faut une stratégie nationale de l’énergie qui nous permettra de combler cet écart de 50 % sur l’atteinte de nos objectifs.
On prévoit que les sables bitumineux doubleront leur production d’ici une décennie. Chaque jour apparaissent à la télé de nouvelles annonces, plus enjouées les unes que les autres, vantant les mérites des projets d’oléoducs. Les programmes d’efficacité énergétique et les subventions à la réhabilitation thermique des bâtiments ont été réduits ou carrément supprimés. Autant de gestes qui nous éloignent encore plus de cet avenir viable dont nous avons besoin.
La bonne nouvelle est que nous savons ce que nous avons à faire et comment le faire. Nous avons des exemples positifs sur lesquels nous pouvons bâtir cet avenir, des initiatives comme la taxe sur le carbone en Colombie-Britannique, l’abandon du charbon en Ontario, le soutien aux véhicules électriques au Québec, entre autres. La réflexion doit se faire, au-delà des lignes partisanes et à tous les niveaux, sur la meilleure façon de mettre en œuvre les mesures nécessaires afin qu’elles soient vraiment efficaces. Il faut planifier judicieusement notre sevrage des combustibles fossiles au lieu d’accroitre notre dépendance économique à leur égard. Voilà le débat que nous devons amorcer dès maintenant pour avancer dans la bonne direction.
La science nous a conduits ici, et elle nous confirme les faits sur lesquels nous appuyer pour agir. Désormais, l’avenir est entre nos mains.