Comment va le fleuve Mackenzie?

Écrit par Sophie Taddeo, Analyste au programme Eau douce, WWF-Canada
Saviez-vous que l’on trouve dans le Nord canadien l’un des quelques grands cours d’eau encore sauvages de la planète? Saviez-vous que l’un de ces cours d’eau – de 1 800 kilomètres de long – est également le plus long du Canada? Eh oui, c’est le fleuve Mackenzie, que les Dénés appellent Deh Cho, ce qui signifie « grande rivière ». De fait, le Mackenzie est un énorme et magnifique fleuve, comme on le voit sur la photo ci-dessous.

Taiga forest, CanadaVue aérienne de la taïga, dans le delta du fleuve Mackenzie, Territoires-du-Nord-Ouest. © Staffan Widstrand, WWF

Comme vous pouvez l’imaginer, l’évaluation de la qualité de l’eau et de sa quantité, et l’évaluation des populations d’espèces aquatiques d’un bassin fluvial de cette taille – environ la superficie de l’Espagne – cela représente tout un défi. Heureusement, l’équipe Eau douce du WWF-Canada a bénéficié de la collaboration de nombreux experts locaux et de communautés enthousiastes – de Fort Good Hope à Norman Wells et Inuvik – qui consacrent sans compter leur temps et efforts pour protéger, étudier et comprendre les étendues d’eau qu’ils utilisent et chérissent.
Grâce au travail ardu et soutenu des organismes fédéraux, aux programmes de recherche interuniversitaires et aux communautés locales soutenues par les programmes communautaires de surveillance des Territoires-du-Nord-Ouest, nous avons eu accès à l’information tirée des mesures de la qualité de l’eau effectuées au fil des ans, dont certaines remontent à 1960! Nos analyses de ces extraordinaires bases de données ont révélé qua la qualité de l’eau du bassin fluvial du Mackenzie n’est pas seulement bonne, mais elle s’est considérablement bonifiée au cours des 50 dernières années.
Nos observations des espèces benthiques présentes dans la partie sud du bassin fluvial ont produit des résultats semblables. La présence de certaines espèces très sensibles aux variations de l’environnement montre que ces zones sont assez stables depuis cinq ans. Les populations de la partie nord du bassin n’ont pas fait l’objet de surveillance récemment, ce qui explique que nous n’ayons pas pu établir de score pour les espèces benthiques à l’échelle de tout le bassin.
Mais tout ne va pas bien pour autant. S’il est vrai que le fleuve Mackenzie demeure à peu près intact, nous avons observé pas mal de fluctuations de la quantité d’eau et des cycles de débits. Plusieurs des 13 postes de surveillance de l’eau ont affiché des hausses substantielles du débit annuel total et du débit mensuel médian. En outre, nous avons constaté que le niveau maximal annuel – le ruissellement nival, ou écoulement des eaux de fonte – qui se produit après la fonte rapide de la neige au printemps, se produit maintenant plus tôt dans l’année qu’il ne le faisait il y a quelques dizaines d’années. Par conséquent, nous avons attribué un score « faible » aux débits du Mackenzie, et des scores variant de « très faible » à « bon » pour les six sous-bassins qu’il compte.
Ce fleuve majestueux sera confronté à de sérieux défis au cours des années à venir. Le réchauffement climatique et l’intérêt croissant pour les réserves de pétrole et de gaz de la région pourraient bien menacer la santé de ce gigantesque cours d’eau. Il est néanmoins rassurant et encourageant de voir de nombreux habitants de la région s’engager à protéger leur fleuve, et consacrer de plus en plus de temps et d’efforts à l’étude de ce bassin fluvial essentiel. Souhaitons longue vie au fleuve Mackenzie!