La tortue-molle à épines: une espèce unique

par Scott Gillingwater, biologiste, espèces en péril, Upper Thames River Conservation Authority
Malgré le bref retard causé par le long et froid hiver suivi d’un printemps frais, les tortues-molles à épines, une espèce menacée, se sont remises à préparer leur nid le long de la rivière Thames dans le sud-ouest de l’Ontario. Cette tortue aux caractéristiques bien spéciales – carapace aplatie à l’apparence de cuir, museau allongé, et rapidité – est unique parmi les espèces de tortues au Canada. Malheureusement, être unique ne protège guère contre les menaces causées par l’homme.

Tortue-molle à épines mâle adulte (Apalone spinifera). Remarquez sa carapace aplatie à l’apparence de cuir, et son museau allongé en forme de tube © Scott D. Gillingwater
Tortue-molle à épines mâle adulte (Apalone spinifera). Remarquez sa carapace aplatie à l’apparence de cuir, et son museau allongé en forme de tube © Scott D. Gillingwater

En effet, les populations de tortues-molles à épines ne cessent de décliner depuis quelques dizaines d’années, en raison de l’intensification des menaces à leur habitat le long de la rivière Thames, comme dans l’ensemble de l’Ontario et du Québec, par ailleurs. De plus, la menace qui pèse sur l’espèce est multiple, et la conjugaison des menaces impose un stress indu sur les populations. Parmi ces menaces mentionnons la destruction des lieux de nidification par les inondations, l’arrivée de plantes exogènes envahissantes, le piétinement du sol par le bétail, la circulation de VTT et autres activités récréatives. Les œufs des tortues sont également menacés – augmentation non naturelle des populations de prédateurs, braconnage pour les marchés illégaux des animaux de compagnie, d’alimentation et de médecine. Les adultes sont également menacés par le braconnage, en plus d’être soumis à divers risques – blessures et mort découlant de leur capture accidentelle par les pêcheurs, collisions avec les bateaux ou sur les routes, et persécution volontaire (cibles pour pratique de tir, par exemple).
Le déclin de cette espèce unique est imminent, à moins que nous ne nous attaquions sérieusement à réduire les menaces qui pèsent sur elle et sur son habitat. Voilà pourquoi nous avons choisi une approche de conservation en plusieurs volets pour assurer la survie de la tortue-molle à épines : nous travaillons avec les propriétaires terriens à la protection de l’habitat, nous demandons aux membres des communautés de nous aider en nous rapportant toute observation de tortue, et nous travaillons à restaurer ou créer des habitats, et avons un programme de protection des œufs de tortue-molle à épines!

Premier nid de tortue-molle à épines découvert en 2014 par l’UTRCA © Scott D. Gillingwater
Premier nid de tortue-molle à épines découvert en 2014 par l’UTRCA © Scott D. Gillingwater

Dans le cadre du programme de protection des œufs de l’Upper Thames River Conservation Authority (en anglais),  on localise des nids grâce à des indices visuels. Une fois le nid localisé, les œufs sont protégés soit au moyen d’une cage cylindrique en treillis, soit ils sont retirés du nid et mis à incuber dans un couvoir. Lorsque naissent les petites tortues, elles sont sexées (opération de détermination du sexe), mesurées, pesées et relâchées à l’endroit même où les œufs avaient été prélevés. Dans le cadre du programme de conservation, des jeunes et des adultes sont également capturés pour fins de mesure, d’évaluation de leur état de santé et de marquage, puis sont relâchés dans la nature.

Tortue-molle à épines femelle adulte, sur le point d’être relâchée © Kaela M. Paddick
Tortue-molle à épines femelle adulte, sur le point d’être relâchée © Kaela M. Paddick

Nous souhaitons que notre travail permette, à long terme, de colliger de l’information sur la santé et le rétablissement de cette espèce unique et de son habitat. Le déclin des populations est dû à l’interférence humaine, alors à nous maintenant d’intervenir pour sauver la tortue-molle à épines du Canada!
L’Upper Thames River Conservation Authority remercie le WWF-Canada et le Beryl IveyFund de leur appui à ce projet.