Naissance d’une « nouvelle économie climatique »

Quinze ans, c’est bien peu, mais selon un nouveau rapport d’expert, c’est le temps qu’il nous reste pour amener le monde à s’écarter de la voie des changements climatiques catastrophiques pour emprunter celle d’une économie durable à faible teneur en carbone, tant pour l’avenir de notre planète que pour l’économie mondiale.
Les bons choix pour l’environnement sont aussi bénéfiques pour l’économie : voilà le message du rapport Better Growth Better Climate: The New Climate Economy Report, publié par la Global Commission on the Economy and Climate, une commission internationale regroupant d’éminents représentants de plusieurs pays. Et ce message, le Fonds mondial pour la nature (WWF) le défend depuis des années. Sans écosystèmes en santé, notre économie repose sur des sables mouvants : il faut que la planète soit en forme pour que l’économie le soit aussi. Ce qui est bon pour la nature et soutient la biodiversité peut favoriser et même stimuler la prospérité de l’humanité.

Parc éolien à Workington, comté de Cumbria, Royaume-Uni. © Global Warming Images / WWF-Canon
Parc éolien à Workington, comté de Cumbria, Royaume-Uni. © Global Warming Images / WWF-Canon

Le rapport signale que nous avons jusqu’en 2030, environ – soit à peine 15 ans –, pour amener le monde à s’écarter de la voie des changements climatiques catastrophiques pour emprunter celle d’une économie durable à faible teneur en carbone.
15 ans pour changer le monde
Quinze ans, c’est court, mais bien des choses peuvent changer en si peu de temps. Je me souviens de 1999 comme si c’était hier – la peur du bogue de l’an 2000, la fondation du Nunavut, la faillite d’Eaton, le blizzard qui a paralysé Toronto cet hiver-là. Mais en 1999, personne n’avait de téléphone intelligent : BlackBerry a lancé son premier téléavertisseur à courriels cette année-là, Google est sorti du garage de son fondateur pour emménager dans des bureaux, seuls quelques spécialistes et défenseurs de l’environnement se préoccupaient sérieusement des changements climatiques.
La vitesse et l’ampleur de ces changements me donnent de l’espoir quant à ce que nous pouvons accomplir d’ici 2030, mais il y a beaucoup à faire. Le rapport propose un plan d’action mondial en 10 points pour atteindre cet objectif.
La vision
Le rapport trace un portrait éloquent de ce que pourrait être la réalité de 2030 : dans une économie à faibles émissions de carbone, la population se concentre dans des villes compactes à haute densité, desservies par des transports publics efficaces. Les gens vivent et travaillent dans des endroits éconergétiques et utilisent des énergies de sources renouvelables. Les biens de consommation sont issus de productions à faibles émissions de carbone. Les forêts regagnent du terrain, les terres agricoles sont productives et protégées. Nous investissons dans l’innovation, surtout dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et dans les technologies adaptées et durables.
Les jeunes trouvent de bons emplois permanents dans les technologies propres et autres secteurs à faible impact sur l’environnement naturel. Tous les pays adhèrent fièrement à une nouvelle entente internationale équitable sur le climat, tous les niveaux de gouvernement adoptent des politiques stimulantes et créent des outils fiscaux pour guider l’économie sur la voie de la sobriété carbonique. Les entreprises des secteurs privé et public, de même que les institutions financières et les investisseurs, exercent leurs activités à l’intérieur d’un cadre limitant la hausse des températures globales à deux degrés Celsius, car après tout, ils habitent tous la même planète.

Rame de métro © Global Warming Images / WWF-Canon
Rame de métro © Global Warming Images / WWF-Canon

Nous avons les outils, les moyens financiers et les solutions
Cette vision peut paraître un « rêve vert », même pour les plus optimistes, mais faisant converger les expertises d’une centaine d’organisations compétentes en matière de climat et d’économie, le rapport fait valoir que cette transformation de l’économie sur 15 ans est possible si nous conjuguons tous nos efforts, à l’échelle mondiale, dans ce sens. Les fonds nécessaires à cet investissement massif sont disponibles et, surtout, les solutions qui appellent cet investissement existent.
D’entrée de jeu, nous devons réorienter les sommes destinées aux investissements dans le secteur des hydrocarbures pour les placer dans des programmes d’économie d’énergie ainsi que dans les projets et infrastructures d’énergies renouvelables. En augmentant les investissements dans ce genre d’initiative partout dans le monde, nous pouvons créer des conditions d’accès équitable à la prospérité économique pour tous les pays, atténuer les risques climatiques, renforcer l’économie mondiale et protéger notre riche biodiversité.
Créer un monde meilleur pour tous
L’équité et la justice sociale sont les moteurs clés d’une transformation économique mondiale réussie. La « nouvelle économie climatique » doit produire les ressources qui permettront aux pays en développement de vaincre leur pauvreté énergétique, de créer des emplois, de protéger leur sécurité alimentaire, de sauvegarder les habitats vitaux des espèces et de bâtir des cités vivables pour leurs citoyens.
Le rapport Better Growth Better Climate arrive à point, au lendemain de la Marche mondiale pour le climat du 21 septembre et du Sommet des Nations Unies sur le climat des 22 et 23 septembre, où le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a tâché d’insuffler aux dirigeants de la planète la volonté politique nécessaire à la signature, en 2015, d’une entente exhaustive ayant force d’obligation.
Ensemble, nous devons exiger des gouvernements de tous les pays qu’ils s’engagent pleinement dans une nouvelle entente internationale équitable sur le climat l’an prochain. Cela créera les conditions favorables à l’investissement massif dans les solutions durables, pour que les villes puissent grandir sainement et que le prix des énergies renouvelables décroisse. C’est une étape cruciale de la transformation de notre mode de vie sur cette Terre, une transformation qui doit se faire d’ici 15 ans.