Le pH en chute libre! D’huîtres et d’économie au Parlement

par Kimberley Dunn, spécialiste en recherche et politiques marines
Eh oui, le pH est en chute libre. Le pH de nos océans, bien sûr. À la fin du mois de novembre, le WWF-Canada et le All Party Ocean Caucus (un groupe multipartite de députés fédéraux intéressés par les enjeux océaniques) ont tenu un événement sur la colline parlementaire pour lancer un cri d’alarme au sujet de l’acidification des océans, un danger qui nous menace tous.

David Miller, président et chef de la direction du WWF-Canada s’adressant aux participants de l’événement Oceans on the Hill. © Chambre des communes
David Miller, président et chef de la direction du WWF-Canada s’adressant aux participants de l’événement Oceans on the Hill. © Chambre des communes

L’acidification des océans se produit lorsque le dioxyde de carbone de l’atmosphère est absorbé par l’océan, ce qui fait baisser le pH. Ce processus naturel est accéléré par les émissions issues des combustibles fossiles, et le taux d’acidité des océans de la planète est aujourd’hui de 26 pour cent supérieur à ce qu’il était avant la révolution industrielle (rapport de la Convention sur la diversité biologique, en anglais).
L’événement Oceans on the Hill a réuni parlementaires, membres du personnel politique, représentants du secteur privé et d’ONG à l’édifice du Parlement, à qui s’est adressé Bill Dewey, directeur des politiques publiques et des communications de la société Taylor Shellfish Farms. M. Dewey est venu au Parlement pour présenter un rapport sur les impacts de l’acidification des océans sur les pêcheries de mollusques et crustacés dans le nord-ouest du Pacifique. Comme l’a souligné David Miller, le président et chef de la direction du WWF-Canada, l’intervention de M. Dewey a mis en lumière le lien inextricable entre l’impact local et l’effet global.
Mon parcours personnel m’a amenée à fréquenter divers milieux, notamment ceux de l’entreprise et de la gestion environnementale, et j’ai donc appris avec beaucoup d’enthousiasme que l’événement Oceans on the Hill irait au-delà du lien local-global et décrirait en d.tails, et en termes bien concrets, l’impact de l’acidification sur les pêcheries.
Les ostréiculteurs du nord-ouest du Pacifique ont subi de lourdes pertes au cours des dernières années en raison de l’acidification, qui cause une insuffisance des ions carbonates dont les larves de crustacés ont besoin pour la fabrication de leur coquille. Dans certaines régions, on a même constaté un taux de survie nul d’embryons d’huîtres sauvages (site de la NOAA américaine, en anglais). L’industrie a été forcée de s’adapter pour assurer sa survie.
Je n’ai pu m’empêcher, en entendant M. Dewey présenter son sujet, de me rappeler une vérité toute simple : un enjeu environnemental n’est jamais uniquement un enjeu environnemental. Jamais. Un enjeu environnemental devient un enjeu économique, immanquablement. Dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, l’acidification des océans a des impacts négatifs sur les pêcheries de mollusques et crustacés dans le nord-ouest du Pacifique. Il faut donc investir de fortes sommes dans le contrôle de la qualité de l’eau et dans du matériel de traitement afin que les entreprises demeurent viables. Si on laisse les choses aller, cela pourrait mener à des pertes de l’ordre d’un billion de dollars par année à l’échelle mondiale d’ici la fin du 21e siècle.
Un enjeu environnemental devient aussi un enjeu humain. Pour les éleveurs de mollusques et crustacés au Canada, ainsi que pour leurs chaînes d’approvisionnement, l’enjeu en devient un d’emplois dans les communautés côtières, rurales et autochtones – des emplois souvent occupés par des jeunes. Or ces emplois donnent une chance aux collectivités de contrer l’exode des jeunes et de les retenir dans la communauté. Sans parler du fait qu’il faut conserver une source de nourriture qui fait partie intégrante de la vie et de la culture des habitants des côtes depuis des centaines d’années.
Peut-être était-ce là le principal message de cette rencontre – pour moi et pour tous ceux qui y ont assisté. Un rappel que la question n’est pas soit l’environnement, soit l’économie, comme d’aucuns voudraient bien nous faire croire, mais bien l’environnement pour l’économie. Et l’environnement pour les humains.
Et puis, soyons honnêtes, qu’il s’agisse de pH ou d’autre chose, on ne peut plus se permettre de se bander les yeux.