Toronto : Le retour du pluvier siffleur

par Jarmila Becka Lee, conseillère pour les produits de la mer durables
Après plus de 80 ans, les pluviers siffleurs nidifient sur la plage de Toronto Island
Dans une société où l’on s’attend à recevoir de l’information en temps réel et à enregistrer des résultats instantanés, le fait que les résultats de conservation puissent prendre des années – voire des décennies – nous semble sorti d’un autre temps et teste notre patience. Voilà pourquoi, quand plusieurs années d’efforts portent enfin fruit – même de manière plutôt modeste – la récompense est encore plus douce. Le retour récent du pluvier siffleur, une espèce en voie de disparition, sur une plage de Toronto Island constitue un bel exemple de telles récompenses.

Pluvier siffleur (Charadrius melodus), Canada. © Gordon COURT / WWF-Canada
Pluvier siffleur (Charadrius melodus), Canada. © Gordon COURT / WWF-Canada

L’histoire du pluvier siffleur est celle d’une espèce qui a subi les impacts des activités humaines. On peut retrouver cet oiseau de rivage, de la couleur du sable avec de distinctives bandes noires autour du cou et de la tête, des Prairies et de l’Ontario (sous-espèce circumcinctus) jusqu’au Québec et dans les Maritimes (sous-espèce melodus). Au fil du temps, essentiellement en raison de la dégradation de son habitat et de la prédation, le pluvier siffleur est disparu de plusieurs plages qui constituaient autrefois un milieu de nidification idéal. Un recensement effectué en 2011 a révélé qu’il restait moins de 1500 adultes à travers le Canada, territoire constitue plus de la moitié de son aire de reproduction globale. Avant le mois de mai dernier, le dernier pluvier siffleur que l’on a aperçu à Toronto était en…1934! Si l’on tient compte de toute la région des Grands Lacs, cela remonte à 1977. En fonction de leur statut d’espèce en danger selon le COSEPAC, les deux sous-espèces de pluvier siffleur se retrouvent à l’Annexe 1 de la loi fédérale sur les espèces en péril, ce qui signifie que le degré de protection maximal leur est attribué.

Un pluvier siffleur âgé de 10 jours (Charadrius melodus) en Alberta, Canada. © Amanda REZANSOFF / WWF-Canada
Un pluvier siffleur âgé de 10 jours (Charadrius melodus) en Alberta, Canada. © Amanda REZANSOFF / WWF-Canada

L’avenir paraissait sombre pour le pluvier siffleur, mais des scientifiques et des citoyens engagés – déterminés à ne pas laisser s’éteindre cette espèce – ont travaillé d’arrache-pied pendant des décennies pour sensibiliser le public (en particulier les vacanciers et les promeneurs sur les plages, qui doivent partager leur lieu de détente avec les pluviers qui s’y reproduisent) et protéger les fragiles nids de cet oiseau migrateur d’Amérique du Nord. À travers son Fonds de rétablissement des espèces en péril, le WWF-Canada a appuyé le travail de plusieurs organismes engagés dans le rétablissement du pluvier siffleur : pendant 20 ans, près de 60 projets à travers le Canada ont reçu plus de 730 000 $ en financement. De la construction d’enclos pour tenir les prédateurs éloignés à la création de documents d’information et d’interprétation pour le public sur les plages en passant par le dénombrement d’œufs ou le baguage d’oiseaux, plusieurs scientifiques, étudiants et simples bénévoles ont travaillé pour aider les populations de pluviers siffleurs à se rétablir. Tout cela a pris des décennies d’efforts.

Plage et jetée sur le lac Ontario au Centre Island Park. Après plus de 80 ans, on a aperçu des pluviers siffleurs sur Toronto Island. © Frank PARHIZGAR / WWF-Canada
Plage et jetée sur le lac Ontario au Centre Island Park. Après plus de 80 ans, on a aperçu des pluviers siffleurs sur Toronto Island. © Frank PARHIZGAR / WWF-Canada

La découverte de deux couples de pluviers et de leurs nids – qui semblent en bonne santé – dans un milieu péri-urbain tel que les plages de Toronto Island offre un peu d’espoir – et signifie peut-être que tous ces efforts commencent enfin à porter fruit. En fait, il existe quelques autres plages naturelles autour des Grands Lacs (Wasaga, Sauble), où la nidification des pluviers siffleurs va bon train depuis quelques années.
La nature a son propre agenda, qui ne coïncide pas toujours avec le nôtre. Mais, de temps à autre, nous pouvons constater ce qui se produit lorsque nous déployons des efforts pour la soutenir. Et les résultats de ces efforts sont à la fois inspirants et porteurs d’espoir. Voilà quelque chose pour nous pouvons célébrer!
Pour donner un coup de main à ceux et celles qui travaillent à protéger les pluviers siffleurs de la région de Toronto, contactez la Toronto Region Conservation Authority.