Selon le WWF, un dispersant nocif ne peut être utilisé pour « nettoyer » une fuite de pétrole

Le WWF-Canada rejette l’approbation du Corexit 9500A en tant que produit destiné au nettoyage des déversements de pétrole. C’est en raison de son degré élevé de toxicité et de son inefficacité globale dans la protection des rivages, des oiseaux et des mammifères marins contre les effets d’un déversement que nous nous y opposons.
Nous avons fait parvenir une lettre affirmant clairement notre position à la ministre Leona Aglukkaq, en réponse à l’appel d’Environnement Canada qui cherche à déterminer si de nouveaux produits – tels que le dispersant Corexit 9500A – devraient être ajoutés à la liste des produits dont l’usage est autorisé pour le nettoyage des déversements de pétrole.
L’usage de dispersants chimiques constitue une technique controversée pour répondre à un déversement de pétrole, et avec raison. L’idée même voulant que les dispersants puissent protéger les oiseaux et les mammifères marins est contestable. Même une dispersion parfaitement exécutée, lorsque c’est possible dans un contexte tactique à petite échelle, n’empêche pas les animaux d’entrer en contact avec le pétrole dispersé lorsqu’ils plongent dans une colonne d’eau – une niche écologique aquatique – pour se nourrir. Ce qui risque de se produire, c’est que le dispersant dissémine une partie du pétrole dans la colonne d’eau, alors que la plupart reste en surface. Les oiseaux et les mammifères marins seront donc mis en contact avec le pétrole et le produit chimique dispersant, à la surface et sous l’eau.

Un Hercule C-130 de la 910th Airlift Wing de l’Air Force Reserve Command, issu de la Youngstown-Warren Air Reserve Station en Ohio, déverse un produit dispersant dans le golfe du Mexique le 5 mai 2010, dans le cadre des efforts entourant l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon. La 910th AW se spécialise dans la pulvérisation aérienne. Elle est la seule unité à voilure fixe du département américain de la Défense pouvant effectuer cette tâche à grande échelle. © US Air Force Public Affairs
Un Hercule C-130 de la 910th Airlift Wing de l’Air Force Reserve Command, issu de la Youngstown-Warren Air Reserve Station en Ohio, déverse un produit dispersant dans le golfe du Mexique le 5 mai 2010, dans le cadre des efforts entourant l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon. La 910th AW se spécialise dans la pulvérisation aérienne. Elle est la seule unité à voilure fixe du département américain de la Défense pouvant effectuer cette tâche à grande échelle. © US Air Force Public Affairs

Les dispersants sont des produits dont la tâche est de fragmenter une nappe de pétrole en petites gouttes, ce qui rend plus facile la dissémination des hydrocarbures dans un grand volume d’eau. Cela a l’avantage d’accélérer le rythme de biodégradation du pétrole. Si plusieurs produits chimiques ont démontré leur efficacité pour cette tâche, d’autres n’ont pas aussi bien réussi le test de la réalité par rapport à ce que leurs résultats en laboratoire laissaient présager. Le Corexit 9500A appartient à la seconde catégorie.
En fait, les antécédents du Corexit 9500A n’ont pas démontré la fiabilité nécessaire sur le terrain pour qu’on en fasse un produit autorisé. Dans certains cas, par exemple lors de la fuite du puits de la plateforme Deepwater Horizon en 2010, il s’est avéré que le produit a dispersé moins de 10 % du pétrole en surface, en en laissant ainsi une très large part toucher les berges, les oiseaux et les mammifères marins.
De plus, nous nous inquiétons de l’impression créée par l’ajout de nouveaux produits à la liste des agents autorisés pour le nettoyage d’un déversement de pétrole. En effet, cela peut créer l’illusion qu’il existe une solution facile lorsqu’une telle fuite, un désastre sur le plan environnemental, se produit. Les pétrolières, lorsqu’elles réclament les approbations réglementaires nécessaires à leurs activités, se basent notamment sur leurs plans en cas de déversement. Elles affirment alors pouvoir « gérer» de telles fuites en utilisant des agents dispersants, tels que le Corexit 9500A, à grande échelle. Toutefois, les faits nous laissent penser que l’utilisation de ces produits est, au mieux inefficace et constitue, au pire, un facteur aggravant rendant le remède pire que la maladie.
Ce faux sentiment de sécurité par rapport au nettoyage des déversements pétroliers inquiète gravement le WWF-Canada, alors que la fonte de la banquise ouvre le Nord à un développement économique et industriel à plus grande échelle. En particulier, l’exploitation pétrolière et gazière dans l’Arctique – que ce soit vers l’ouest dans la mer de Beaufort ou vers l’est dans la baie de Baffin – constitue un motif important d’inquiétude. Au cours des dernières années et en collaboration avec Ecojustice, nous avons soumis plusieurs requêtes à l’Office national de l’énergie, lui demandant de n’accorder aucune exemption aux règles strictes entourant les activités de forage extracôtier.
En conclusion? Il n’y a qu’une seule façon vraiment efficace de gérer un déversement pétrolier : faire en sorte qu’il ne se produise pas en premier lieu.